La création d'une "destination Aquitaine" privilégie notoriété et lieux emblématiques. La question de la "destination" régionale est depuis longtemps au centre des débats, elle n'a jamais été réellement tranchée. Par le passé, la Région avait souvent été tentée de travailler les filières plutôt que les destinations. Les études sociologiques portant sur les différentes activités des touristes ont produit dans les années 1990-1995 des logiques d'intervention uniquement fondées sur les comportements. Les politiques régionales ont ainsi divisé le marché en segments productifs, correspondant à des "filières de produits", des démarches commerciales spécifiques : dix, vingt, trente filières, parfois davantage, ont ainsi été identifiées autour de produits pressentis comme "porteurs". Ce faisant, l'intervention publique régionale a souvent découpé artificiellement le marché du tourisme - d'une taille déjà plutôt médiocre - avec l'espoir que chacune de ces parts allait prendre de l'ampleur si on la travaillait séparément, notamment dans les contrats de Plan qui se sont succédés de 1988 à 2000. Or, comme l'a bien évalué l'Agence Française d'Ingénierie Touristique en 2000, ces créneaux de passionnés exclusifs d'une activité ne représentent, au total, jamais plus de 7 % du marché global. Ces "filières" ne rencontrent qu'une clientèle confidentielle ; certains de ces segments sont déjà en voie de saturation au moins sur le marché français alors que les investissements qu'ils ont occasionnés ne sont pas encore rentabilisés. Quand, sur les marchés extérieurs, on évoque l'Aquitaine, ce sont des destinations fort différentes qui viennent en tête des opérateurs et touristes, parfois d'ailleurs situées en dehors du territoire de la collectivité, faute d'image unitaire suffisante. L'Aquitaine en soi n'est pas nommée comme une destination touristique : on va plus volontiers en Périgord, dans les Pyrénées, sur la côte landaise. L'évaluation de 20 ans d'aménagement touristique en Aquitaine illustre la difficulté et la complexité de l'affirmation du pouvoir régional dans un domaine qui hésite traditionnellement entre les nécessités centripètes des politiques économiques et les interventions, plus centrifuges, de l'aménagement du territoire. Dans un contexte où les demandes évoluent vite et les marchés se diversifient, la collectivité régionale entreprend aujourd'hui de renforcer sa position touristique en favorisant le développement d'une offre plus cohérente, mieux organisée et plus réactive. Mais les difficultés à faire des choix et à conduire une action continue témoignent des embarras d'une décentralisation inachevée.