Il s'agit, dans cet article, de revenir sur l'opposition entre ce que R. Barthes appelait les 'écrivains à ellipse' et les 'écrivains à catalyse'. Le premier type d'écrivain, comme Flaubert, rédige plusieurs jets d'un dialogue ou d'une description, puis il en vient à pratiquer un élagage - ellipse - dans l'ensemble de ce qui a été écrit. Le second type d'écrivain, comme Proust (ou Claude Simon) rallonge son texte, en marge ou en interligne. L'hypothèse et l'optique de cet article est de montrer que c'est en écrivant que l'on parvient à formuler des contenus de pensée - ce que Benveniste appelait le 'moulage' de la pensée dans/par la langue. Les essais successifs d'écriture et de réécriture permettent au sujet écrivant de 'formuler' ce qu'il cherche à dire (intenté) : c'est ce que la psychologie cognitive a appelé 'l'effet épistémique'. Notre article tente de l'illustrer à travers l'étude de différents manuscrits d'écrivain.