Entre le milieu du Ve/XIe et le milieu du VIe/XIIe siècle, la domination des sultans seldjoukides sur le califat abbasside engendra d'importantes mutations sociales à Bagdad. Le présent article, fondé essentiellement sur les chroniques arabes et les dictionnaires biographiques et ayant recours à la méthode prosopographique, s'intéresse à ces changements sociaux et à leurs conséquences sur le développement urbain. Il examine tout d'abord l'impact du mouvement de fondation de madrasas, souvent considérée comme caractéristique de la période, sur les trois principaux maḏhab-s représentés à Bagdad, ainsi que l'impact des nombreuses fondations de ribāṭ-s sur les soufis locaux. Durant la période seldjoukide, les principales fonctions judiciaires, administratives et politiques étaient aux mains d'un certain nombre de lignages. Les plus puissants sont présentés ici, qu'ils soient de nouveaux venus comme les Dāmaġānī ou des familles d'origine locale comme les Zaynabī. Les élites gouvernantes, seldjoukides comme abbassides, patronnèrent volontiers des activités de construction à Bagadad. Ils fondèrent des madrasas, des ribāṭ-s, mais financèrent également d'autres constructions de nature privée, publique et religieuse. La seconde partie de l'articule s'intéresse à l'intense activité de construction qui prit place à Bagdad à cette période, différents groupes de mécènes (hauts fonctionnaires seldjoukides ou abbassides, mais aussi élites civiles bagdadiennes incluant un certain nombre de femmes) étant à l'origine du développement urbain dans différentes parties de la ville. De fait, loin d'être la ville en ruine parfois décrite par les historiens en raison du témoignage négatif de quelques voyageurs, et en particulier de celui d'Ibn Ǧubayr, Bagdad apparaît à l'époque comme une ville dynamique, n'ayant pas totalement perdu le caractère de métropole cosmopolite qui fut le sien pendant les premiers siècles de son existence.