L'organisation vitale : enjeu de la controverse entre Leibniz et Stahl
Résumé
Les séries d'objections et de répliques que Leibniz et Stahl ont échangées à la suite de la publication de la Theoria medica vera (1708) du médecin de Halle mettent en scène des doctrines contrastées sur la nature spécifique des vivants et sur le rapport de l'âme au corps organique, mais aussi des approches méthodologiques distinctes sur la façon de développer la médecine comme science. À la jonction des thèses métaphysiques et épistémologiques en présence se situe une nette divergence de vues sur l'" organisme ". Ce concept était alors tout récemment apparu en philosophie naturelle, comme le montre par exemple l'usage qui en était fait dans la Cosmologia sacra (1701) de Grew. Or, la confrontation Leibniz-Stahl sur ce point constitue le révélateur d'une aporie majeure dans la façon de rendre compte de l'organisation et du fonctionnement des vivants par le mécanisme. De prime abord, les textes semblent justifier une résolution de l'aporie par l'équivalence entre mécanisme et organisme chez Leibniz, et par la différenciation, voire par l'opposition des deux termes chez Stahl. D'où la tentation à laquelle les historiens ont souvent cédé d'interpréter rétrospectivement la controverse comme illustrant la confrontation entre réductionnisme et vitalisme dans la conceptualisation de l'individualité biologique et de ses manifestations. Nous entendons montrer que cette lecture est partiellement factice et ne rend pas justice à la réelle divergence de vues entre les deux protagonistes. Pour en rendre compte, il convient de rattacher les thèses en présence à une même problématique générale. Pour Leibniz comme pour Stahl, la question sous-tendant leur différend est celle de l'ordre de la nature et du statut spécifique des vivants en son sein. Dans ce cadre métaphysique, la question se spécifie secondairement en celle de concevoir les vivants comme sujets de propriétés physiologiques et comme agents de processus fonctionnels.
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