Quels sont les paramètres de la création, de la naissance d'une idée à la réalisation d'une composition nouvelle? Sur quoi repose la capacité d'imaginer les odeurs et les flaveurs chez les cuisiniers et comment mobilisent-ils leur imagination pour créer? L'imagerie mentale est étudiée dans les domaines visuel et auditif majoritairement. Nous avons choisi de l'aborder dans deux domaines sensoriels peu sémantisés: le goût et l'odorat. Tous deux sont directement liés au plaisir. Nous avons interviewé 21 cuisiniers en France et au Maroc sur les phases de la création, les déclencheurs, les contraintes, les risques, le rôle de l'expérience ; sur la méthode et les techniques qui leur servent à se représenter des flaveurs virtuelles et à agir sur elles. Les interviews ont été retranscrites et analysées qualitativement et quantitativement (à l'aide du logiciel de textométrie Hyperbase). Les cuisiniers des deux pays insistent sur les contraintes qui encadrent la conception et la réalisation de " quelque chose de nouveau ". Ils considèrent qu'ils ne créent pas mais composent, transforment ou recombinent avec une part d'innovation et aussi grâce aux acquis du métier. Ils se basent sur leur mémoire autobiographique et sur leurs références culturelles pour composer. Ils soulignent également que la créativité n'implique pas nécessairement plus de plaisir pour le client, et qu'ils doivent répondre à une demande de sa part. Ils témoignent d'une capacité à imaginer mentalement des flaveurs, très souvent associées à des images visuelles et tactiles. Leurs discours attestent du phénomène d'intégration conceptuelle (Fauconnier et Turner, 2003) qui met en relation différents espaces mentaux et différents systèmes sémiotiques et permet ainsi l'émergence de la nouveauté.