Dans la Corse constitutionnelle, entre 1755 et 1769, la grâce n'est pas utilisée à propos de crimes de droit commun, mais uniquement pour favoriser un politique d'unité de la population dans un État naissant confronté à la guerre. Parce qu'il sait que, sur cette politique, reposent la construction de l'État et la mise en place de la Constitution, le chef de l'État corse, le général Paoli, tente de cerner les fondements de la grâce et de découvrir la personne la plus habilitée à l'utiliser légitimement. En ce qui concerne les fondements du droit de grâce, ils sont liés au contexte, mais reposent également sur une doctrine. Les raisons contextuelles se découvrent dans une volonté de paix manifestée par la politique de pardon et d'oubli des fautes politiques pourvu que le repentir soit manifesté. Les raisons doctrinales sont aussi présentes. La doctrine de droit naturel que suivent les Corses offre une double justification à cette pratique. La première justification de la grâce est de dévoiler la modération dans le pouvoir d'un gouvernement, argument confirmé par Montesquieu. La deuxième justification de la grâce se révèle dans le fait que la justice n'existe que par son alliance avec l'équité. Or, la loi étant générale, elle ne peut tout prévoir. Dans un pays qui veut sortir d'une guerre civile et étrangère, le droit de grâce s'avère donc nécessaire pour allier miséricorde et justice. Quant à la personne apte à accorder la grâce, elle doit réunir deux conditions dans ce pays étranger à la doctrine absolutiste ; d'une part, l'exercer légitimement par la nécessité d'une justification donnée à tout acte de grâce qui se rapporte à une personne précise, d'autre part engager sa responsabilité personnelle sur la fin de son action dans un souci de faire coïncider le bien de tous avec la liberté de chacun.