L'étude de la notabilité et de la structure des groupes notabiliaires nécessitent de recourir à la notion d'espace. La notabilité tient aux capitaux détenus par un individu, à l'usage qu'il en fait, ainsi qu'à l'intérêt que lui porte l'administration. La spatialité de la notabilité doit donc être interrogée à la fois du point de vue de l'administration et sous l'angle de l'individu. L'analyse des conseils d'arrondissement et de département exemplifie le caractère incontournable de la spatialité dans l'étude de la notabilité. Créés en 1800, ces conseils doivent à l'origine jouer le rôle de creuset des élites anciennes et nouvelles, indépendamment de leur inscription territoriale, et attacher ces dernières au régime. Toutefois, à partir de la Restauration, cet appareil consultatif se territorialise. Les individus recrutés doivent désormais, par leurs racines, leurs fonctions ou leurs possessions foncières, s'inscrire au sein d'un territoire, afin de répondre aux rôles qui leur sont dévolus : celui d'intermédiaire entre le pouvoir central et la province, et celui de représentant d'un espace socio-géographique. Or, il ne s'agit pas seulement de résider sur un territoire, mais de rayonner sur ce dernier et ses principaux habitants. L'aire de rayonnement établit une hiérarchie des candidats proposés par l'administration pour siéger dans les conseils. La question étant alors de savoir jusqu'à quel point l'emprise spatiale s'avère prépondérante dans la sélection effectuée. Répondre à cette question et exposer les facteurs d'enracinement et de rayonnement d'une notoriété sur un territoire appelle deux approches distinctes. L'une, quantitative, compare entre eux, d'une part, les individus appelés à siéger et les candidats malheureux, d'autre part, les individus nommés aux conseils d'arrondissement et les conseillers généraux. Cette première étape permet d'établir le poids respectif des facteurs de nomination. L'autre, qualitative, se décline sous deux formes. D'un côté, une étude est menée, au sein d'un territoire circonscrit, sur des notables, distincts par leurs situations socio-institutionnelles, au prisme de leur appartenance aux conseils. De l'autre, sont analysés des parcours individuels, exemplaires ou atypiques, qui débordent le cadre départemental et se déploient dans les espaces socio-géographiques voisins. Il s'agit d'éclairer les choix de l'administration ainsi que les stratégies déployées par les notables selon les espaces sociaux et géographiques au sein desquels ils sont amenés à évoluer. Dans cette optique, les notions de multipositionnalité institutionnelle et géographique, d'itinérance, d'autochtonie, ou de stratégie matrimoniale et patrimoniale permettent de spécifier les groupes notabiliaires et d'en préciser la structure. Cette approche qualitative duale permet donc à la fois de conserver une démarche micro-historique sur des échelles géographiques variables, et d'éprouver, sur ce jeu d'échelles, les notions développées.