Spontanément, le combat militant entretient avec les archives et leur utilisation par l’écriture historienne des liens ambivalents. Le militant inscrit certes son action à la fois dans l’immédiateté et dans la durée. Il cherche à agir sur le réel pour infléchir le cours prévisible des choses, non sans avoir une certaine idée des luttes des militants qui l’ont précédé. De ce point de vue, la conservation, la trace, la mémoire s’imposent au militant comme des nécessités d’évidence qui peuvent aisément se parer d’une valeur d’efficacité militante. Mais, en même temps, les archives sont aussi celles de l’État, du pouvoir, de l’administration qui contrôlent ou que l’on combat et, donc, la notion véhicule une part d’officiel qui inspire la méfiance et éloigne. De sorte que la mise en patrimoine des archives militantes, caractéristique des années 1980, peut être lue comme une manière de dépasser cette injonction paradoxale, éventuellement au prix de la création de structures ad hoc, associatives le plus souvent. Les Pays-de-la-Loire n’y échappent pas avec nombre d’initiatives associatives aujourd’hui durablement inscrites dans le paysage archivistique régional : Centre d’histoire du travail à Nantes, Centre de documentation sur l'histoire du mouvement ouvrier et du travail à La Roche-sur-Yon, Centre des archives du féminisme à Angers. Les acteurs associatifs, militants et anciens militants, jouent ici un rôle essentiel, érigeant leurs propres centres de conservation et entraînant avec plus ou moins de succès les collectivités territoriales dans la définition de politiques de subventionnement public. Pour autant, ce serait une erreur d’ignorer ou de minimiser a priori les collectes par les services publics d’archives qui n’abdiquent pas leur rôle d’exemplarité, de légitimation ou de référencement, au nom d’un concept aussi flou qu’accueillant : celui d’archives du monde du travail.