La libéralisation des secteurs du gaz et de l'électricité s'est traduite par la mise en place de marchés « spot » où s'établissent les prix de référence pour les transactions avec les clients industriels, en remplacement de la tarification fondée sur les coûts de production. Mais les prix s'étant montrés particulièrement capricieux, les industriels consommateurs d'électricité ont été les premiers à contester l'organisation de ces marchés. Les parlementaires français sont dès lors intervenus pour reconcevoir l'organisation du marché de l'électricité et renégocier les exigences européennes. Quant aux clients industriels et aux fournisseurs de gaz, ils ont milité pour ralentir la formation d'un marché de gros et conserver les contrats à long terme avec les pays producteurs. Ces controverses ont affecté les fondements cognitifs et normatifs de la réforme libérale et affaibli les autorités de régulation. Le retour du politique s'est traduit par une priorité donnée au maintien de l'activité industrielle et à la préservation du pouvoir d'achat, au détriment des autres enjeux de la transition énergétique. S'appuyant sur plusieurs enquêtes menées auprès des fournisseurs et des clients entre 2004 et 2010, l'ouvrage contribue à la sociologie économique. Il décrit la puissance des mécanismes institutionnels à l'origine des réformes libérales mais il relativise leur portée au moment de la mise en œuvre, en montrant le rôle clef des acteurs économiques et politiques dans l'appropriation et l'adaptation de ces réformes. Il n'ignore pas le caractère performatif de l'expertise économique, mais il montre aussi que cette expertise est soumise à la controverse et peut s'articuler aux exigences de nature politique.