Les décennies d’après-guerre sont souvent présentées comme un moment de reflux voire de disparition du « politique » en géographie française, conséquence à la fois du discrédit de l’entreprise haushoférienne et d’une méfiance pour un angle d’analyse qu’un marxisme uniment économiciste aurait durablement imposée. Une telle vulgate peut s’appuyer sur des évidences bibliographiques (les textes citables ne sont pas légion) et sur l’absence de figures marquantes qui auraient pris en charge la promotion d’un tel sous-champ disciplinaire — par contraste avec l’abondance actuelle. La tenue d’une « conversation franco-allemande » en 1955 sur la question de la Géopolitique est pourtant l’un des signes qui laissent à penser que le sujet nécessite d’être repris à frais nouveaux, afin de reconsidérer ce qui était « pensable » à l’époque, en essayant autant que faire se peut de se départir d’une lecture « présentiste » — i.e. animée par des thématisations qui nous sont contemporaines. J'en propose une lecture centrée sur la « lettre » (ou la parole) qu’elle fait advenir, avec pour objectif d’en restituer la singularité, sinon l’éloignement, et l’historicité. On acceptera le déploiement du texte publié en 1955 comme un horizon d’intelligibilité certes contingent mais suffisamment cohérent pour autoriser une exégèse ponctuelle.