Dans les scénarios connus les plus anciens de L’Éducation sentimentale, le personnage que Flaubert nommera finalement « Mme Arnoux » s’appelle « Mme Moreau » . Sans qu’on sache vraiment pourquoi, le romancier a finalement attribué ce patronyme à son « héros ». Aussi la femme aimée (Mme Arnoux, anciennement Mme Moreau) conserve-t-elle de ce fait un lien génétique confus avec la mère de Frédéric, nouvelle Mme Moreau. Cependant, les ventes aux enchères réservent bien des surprises. L’une d’entre elles a ainsi récemment révélé l’existence de manuscrits appartenant à la genèse du grand roman parisien, totalement inconnus des spécialistes de Flaubert. Ils permettent de remonter encore plus haut dans la « généalogie » du personnage de Mme Arnoux : avant Mme Moreau, il y eut en effet une « Mme Dubois ». Après avoir rappelé à grands traits la configuration du dossier de genèse de L’Éducation sentimentale et mis en lumière l’intérêt exceptionnel des pages que recelait la bibliothèque de Pierre Bergé, on s’arrêtera sur l’un de ses trésors, un court scénario intitulé « Mme Dubois » qui présente une version archaïque du roman parisien. Or, si le personnage féminin au centre de cette esquisse propose bien une première élaboration de la future Mme Arnoux, il comporte également des traits qui seront finalement répartis entre les quatre figures féminines du roman de 1869. On verra ainsi comment un processus génétique de dissémination peut sous-tendre l’invention flaubertienne à l’œuvre.