L’étude des traités du cardinal Lothaire de Segni, avant son accès au pontificat, étonne par la discrétion du problème de l’hérésie. Qu’il s’occupe de morale, de liturgie ou de mariage, le futur pontife semble se désintéresser de la dissidence hérétique – qu’il connaît mal –, ou alors par allusion. Le cœur de son travail intellectuel avant 1198 est le sacerdoce et une ecclésiologie spirituelle, faiblement inspirée par les débats canoniques. Parvenu sur le siège apostolique, Innocent III se préoccupe en priorité la réforme de l’Église. Ses premières lettres concernant l’hérésie sont écrites en avril 1198 et s’intègrent, elles aussi, dans une série de missives sur la réforme ecclésiastique. La vraie rupture que représente la bulle Vergentis in senium dans la lutte contre l’hérésie n’apparaît qu’un an après son avènement. Sans doute influencé par les canonistes et la curie, Innocent III renonce alors aux sens de l’Écriture pour développer un discours aux accents véritablement juridiques, bien plus efficient, mais aux conséquences dramatiques pour le Midi.