La Grande Palabre (LGP) désigne une série de conférences-débats sur des thèmes sociopolitiques dont trente-huit se sont tenues à Yaoundé. Elle constitue une tentative originale au Cameroun d’institutionnalisation d’un espace public au sens habermassien du terme et d’expansion d’une culture critique dont les origines remontent au moins aux luttes anticoloniales. Depuis sa création en février 2011, elle n’a cessé de prendre de l’ampleur en termes géographiques et d’activités annexes. Elle a continué d’exister, différemment, malgré l’interdiction illégale à Yaoundé de cinq séances par arrêté préfectoral, dont les quatre dernières successivement, notamment au motif que leur thème serait « de nature à perturber gravement l’ordre public ». Cet article retrace la création de LGP, sa place dans l’histoire de la culture critique camerounaise ainsi que les modalités par lesquelles cinq de ses sessions ont été interdites et les réponses des organisateurs. Ce faisant, l’on démontrera que la répression systémique peut être contrecarrée par la pression constante d’acteurs − individuels et collectifs − exerçant leur liberté, révélant à la fois les contradictions du pouvoir en place et les opportunités de résistance.