Le fonds manuscrit de l’abbaye de Cadouin est connu depuis la fin du XIXe siècle grâce aux travaux pionniers de l’abbé Eugène Chaminade. L’inventaire réalisé par la musicologue Solange Corbin au moment où la majeure partie du fonds est déposée aux Archives départementales de la Dordogne (1953) décrit 24 manuscrits liturgiques et patristiques. En dehors des Archives départementales, deux volumes sont conservés aux Archives du diocèse de Périgueux et Sarlat, un à la Bibliothèque municipale de Périgueux, un autre à la Bibliothèque nationale de France. Au total, cet ensemble comprend une trentaine de manuscrits ayant vraisemblablement appartenu à l’ancienne abbaye. Dans les années 1980, le fonds de Cadouin a attiré l’attention d’un éminent spécialiste des questions liturgiques, Robert Amiet. Celui-ci publie en 1983 un article consacré au sacramentaire ms. 157. Deux ans plus tard, il reprend et actualise les données collectées par ses prédécesseurs à l’occasion d’un inventaire plus large incluant l’ensemble des livres liturgiques manuscrits et imprimés périgourdins. R. Amiet s’est également intéressé à un missel ayant appartenu à l’abbaye, dont on a perdu la trace à la fin du XVIIIe siècle. En ce qui concerne la musique, tout, ou presque, reste à faire. On doit à E. Chaminade la première édition de l’office du Suaire transcrit dans les antiphonaires ms. 166 et 167, ainsi que le signalement d’un autre unicum, une prose pour la fête du Saint-Sacrement copiée en notation mensurale dans le graduel ms. 161. Les travaux d’E. Chaminade n’ont guère fait d’émules et sont aujourd’hui obsolètes. Certes, l’inventaire de S. Corbin fournit quelques éléments sur les notations musicales, mais sous forme de remarques ponctuelles qui ne sont pas exemptes d’imprécisions et d’ambiguïtés. Malgré ses imperfections, cet inventaire reste le point de départ incontournable de toute investigation d’ordre musical. Dans les années 1980, le bréviaire-hymnaire ms. 163 du fonds de Cadouin a retenu l’attention de Chrysogonus Waddell, un spécialiste du chant cistercien. Bien connu pour ses travaux sur la réforme du bréviaire et de l’hymnaire, C. Waddell a également consacré un article, moins connu, à l’office du Suaire de Cadouin. Cet office figure, par ailleurs, dans le répertoire LMLO (Late Medieval Liturgical Offices), un instrument de recherche auxquels les musicologues font régulièrement référence pour l’étude des offices liturgiques du Moyen Âge. Le répertoire musical contenu dans les livres de Cadouin mérite assurément qu’on s’y intéresse de plus près. Mais c’est un travail considérable, qui suppose au préalable une étude attentive des sources et de leurs notations musicales. Ces notations sont de toutes sortes et de toutes époques. Elles se trouvent dans des livres liturgiques et non liturgiques. Certaines sont d’origine, c’est à dire qu’elles ont été prévues lors de la préparation des livres dans lesquels elles ont été portées : par exemple, les notations musicales de première main des graduels et antiphonaires des XIVe et XVe siècles. D’autres ne le sont pas : c’est le cas d’un grand nombre de notations antérieures au XIIIe siècle, qui correspondent à des additions, même si, parfois, elles ont suivi de très près la copie initiale. Certaines sont très anciennes (Xe-XIe siècles) et remontent donc à une époque où Cadouin n’existait pas, où les livres concernés appartenaient à une autre institution. Les plus récentes débordent largement sur l’époque moderne et montrent que certains manuscrits médiévaux sont restés en usage fort tard, peut-être jusqu’au XVIIIe siècle. Une question revient sans cesse lorsqu’on se plonge dans l’inventaire et l’analyse des notations musicales présentes dans le fonds de Cadouin : dans quelle mesure ces livres reflètent-ils la tradition liturgique et musicale de l’abbaye ? Comme on sait, de nombreuses incertitudes planent sur l’origine et la constitution du fonds qui nous est parvenu : il n’y a aucune trace de la présence d’un scriptorium à Cadouin, la plupart des livres qui constituent le fonds ne portent pas de mention de possession, et aucun inventaire ancien ne subsiste en dehors d’un État sommaire rédigé par le chanoine Leydet en 1769.