L'article s'intéresse à la manière dont le monde savant a tiré parti des ventes aux enchères de livres, qui se développent vivement dans la seconde moitié du XVIII e siècle. L'étude est menée à partir d'un terrain provincial, celui de la France méridionale, de la Provence occidentale au Languedoc oriental. Retracer l'implication du monde savant dans ces ventes de livres revient à mettre en évidence une triple tension. La première tient à l'écart entre le profit attendu et la certitude de la perte. Car si les ventes publiques constituent, sur le moment, une occasion d'acheter des ouvrages rares ou à bon prix, la disparition des bibliothèques prive les savants de ressources parfois cruciales dans l'économie intellectuelle de la région. La seconde met en évidence les limites des solidarités traditionnelles de la République des lettres dans une économie enflammée par la bibliophilie : l'impuissance des savants méridionaux à pénétrer les ventes lyonnaises et parisiennes, voire à tirer parti des ventes locales, en témoigne. Enfin, le troisième écart concerne le statut des catalogues de vente : au-delà de leur usage premier, éphémère, dans le cadre des ventes, leur accumulation dans les bibliothèques privées éclaire les modalités de constitution d'un capital bibliographique à usage rétrospectif et la mise en scène d'une microsociété bibliophilique. Monde savant et ventes de bibliothèques en France méridionale dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.