L'article propose une réflexion d'ensemble sur la pratique de l'écriture sur les livres à l'époque moderne, à partir d'une centaine d'ouvrages annotés de la bibliothèque du Centre culturel irlandais de Paris. L'étude s'attache à dégager les coordonnées d'une culture graphique, dans les fonctions qu'elle assigne aux différents espaces du livre. Dans la manière d'utiliser ces espaces se révèlent ensuite des « communautés de lecteurs » : lecteurs scolaires, aux annotations ludiques et instrumentales ; lecteurs savants, qui transforment l'ouvrage en outil de travail ; non-lecteurs peut-être, dont les interventions semblent se limiter à une inscription liminaire. Les marginalia donnent enfin matière à s'interroger sur la façon dont l'individualité du lecteur peut se construire et s'exprimer à travers un média aussi spatialement et formellement contraint que l'écriture dans les marges, et sur un objet que sa circulation dans des cercles plus ou moins larges prive souvent de tout caractère intime.