Le règne de Justinien est caractérisé, comme celui d’Auguste, par une floraison de l’activité de construction associée à une importante production littéraire relative à l’architecture. Le traité d’architecture de Vitruve est dédié à Auguste. Sous Justinien, Chorikios de Gaza, Procope de Césarée et Paul le Silentiaire ont en commun d’avoir tous les trois, de diverses façons et dans des contextes différents, décrit abondamment des églises. Alors que plusieurs travaux fort convaincants et stimulants ont été consacrés à la signification spirituelle, voire politique, de ces descriptions, leurs aspects proprement architecturaux n’ont pas fait l’objet de la même attention. Dans le cadre de cet essai préliminaire, on s’attache aux descriptions des églises Saint-Serge et Saint-Étienne, brossées par Chorikios dans le cadre de deux éloges de l'évêque de Gaza prononcés précisément à l’occasion de l’inauguration des deux édifices. On étudie les éléments d’esthétique architecturale véhiculés par ces deux discours, puis, à partir de l’étude du vocabulaire mis en œuvre par Chorikios, la définition de l’architecture et du métier d’architecte qui s’en dégage. Le langage descriptif de Chorikios est surtout fait de mots concrets courants et de termes abstraits substitués à des mots plus techniques. C’est par l’emploi de la langue de la géométrie que l’auteur revendique un ancrage dans les conceptions et les pratiques architecturales de son temps. Ses descriptions s’insèrent dans une riche et ancienne tradition littéraire, mais elles n’en constituent pas moins des témoins de la culture architecturale au milieu du VIe s. Elles mettent notamment en évidence la prévalence d’une conception subordonnant l’architecture à la géométrie qui constitue apparemment un phénomène typique de l’Antiquité tardive, mais aussi l’existence de principes esthétiques hérités d’une tradition ancienne, remontant à la période hellénistique puisqu’elle a trouvé place dans le traité de Vitruve.