Les groupes bancaires comptent aujourd’hui parmi les organisations les plus puissantes de la planète, les masses de capitaux qu’ils gèrent dépassant le PIB de nombreux états. Cette concentration est aussi spatiale, « l’essentiel des capitaux et des flux mondiaux est géré par une vingtaine de places financières localisées dans les métropoles de rang mondial » (Carroué L., 2015). Depuis la décennie 1990, la basse Vallée de Suse en Italie est entrée en résistance contre un projet de tunnel ferroviaire transalpin sur le tracé du corridor paneuropéen Lisbonne-Kiev. Les citoyens de ces villages considérant leur citoyenneté bafouée par les pouvoirs publics ont mis en place, notamment à travers la société civile, différentes institutions politiques afin de pouvoir exprimer leur citoyenneté ”malgré” l’État et de nombreuses initiatives économiques, faisant ainsi passer cette vallée d’un territoire en lutte à un territoire d’innovation et dessinant partant un modèle alternatif de développement territorial. Nous questionnerons ici plus spécifiquement l’action des entrepreneurs de cette vallée qui – par une mobilisation des proximités spatiales et institutionnelles – mettent en œuvre un ensemble de pratiques alternatives au système dominant en matière de finance, entre reconquête d’un pouvoir-agir citoyen et lutte. Nous présenterons ainsi les résultats d’une enquête menée en immersion dans le Val de Suse à l’automne 2016. Nous mobiliserons un socle théorique issu des économies de la grandeur et de la théorie des capabilités, mettant en relation logiques d’action et pratiques. Nous questionnerons enfin la dimension liminale des alternatives valsusaines dans le contexte d’une Europe elle aussi en transition.