En réaction à la révolution manquée de 1848, la quête identitaire de la nation hongroise trouve son expression la plus vive dans la résistance à la puissance habsbourgeoise. Les artistes budapestois, portés tant par la fougue du romantisme que par une demande locale renouvelée, en deviennent alors les plus illustres représentants, dans une allégeance fidèle à la figure du jeune poète Sándor Petőfi, mort sur le champ de bataille de la révolution en composant des vers exaltés à la gloire de l’identité magyare et des paysages de son pays natal. Cependant, les figures esthétiques employées par ces auteurs au fil du XIXe siècle montrent la recherche d’une vision spécifique de l’identité hongroise, capable de se démarquer suffisamment des codes internationaux pour fonder une géographie imaginaire de la nation. Se produit alors un véritable travail de détachement envers les figures du classicisme européen : la peinture de paysages, en particulier, permet de montrer l’invention d’un certain nombre d’archétypes de la nation hongroise au travers des nouveaux codes esthétiques du romantisme et de la veine montante de l’orientalisme. C’est également un retournement spatial qui consacre comme motif pictural la Grande Plaine hongroise, par opposition à la quête traditionnelle du pittoresque ou des ruines italianisantes qui conduisait les peintres à aller chercher hors du cadre national les sources de leur inspiration. On se penchera cependant sur le mécanisme de sélection des éléments picturaux qui a abouti à la création de cette identité nationale : un certain nombre de biais ont pu peser, dont la subjectivité exaltée des auteurs romantiques, leur tendance à se conformer malgré tout à un certain goût international, à emprunter à d’autres peintures nationales, mais aussi la force du conservatisme des sociétés rurales dans la célébration du folklore hongrois : autant de facteurs qui ont pu peser durablement dans les modes d’appréhension du visage de la nation.