Dans ses satires, l’auteur grec du IIe siècle Lucien de Samosate attaque souvent une catégorie spécifique d’individus : les (faux) philosophes de son temps. Si d’autres textes constituent des attaques directes et violentes, relevant de l’invective, le Banquet ou les Lapithes présente un mécanisme de dépréciation différent, sur le mode de la fiction. Les faux philosophes, toutes sectes confondues, y sont exposés comme sur une scène, sous les yeux d’un observateur nommé Lykinos. Au cours du banquet de noces qui les réunit, ils se trahissent eux-mêmes, par leurs actes tout d’abord, par leurs paroles ensuite, que ce soit en révélant involontairement leurs vices ou en portant des accusations contre leurs confrères – car ces philosophes sont rivaux entre eux. Le personnage de Lykinos, par ses commentaires désabusés, oriente également le jugement de l’auditeur (et du lecteur). Enfin, par l’usage qu’il fait de l’intertextualité et la double tradition dans laquelle il inscrit son texte (Banquet de Platon, Banquet des Lapithes et des Centaures), Lucien, avec art, achève de ridiculiser ces philosophes peu recommandables.