Le chapitre relate une table ronde ayant réuni en 2014 des géographes de différentes générations et différentes nationalités se revendiquant de la géographie sociale ou proches de ce courant. Il porte sur l’évolution de la géographie sociale, notamment dans son rapport au reste de la discipline et aux disciplines connexes. Les intervenants montrent d’abord qu’il y a différentes manières de rencontrer la géographie sociale : par les études et la fréquentation d’écoles géographiques étrangères où celle-ci est enracinée (dans le monde anglo, en Allemagne, au Québec ou au Brésil), par la thèse pour la majorité des intervenants, par le terrain ou les objets d’étude, mais aussi par une sensibilité aux inégalités et aux injustices socio-spatiales, ainsi que par une interrogation sur la fonction sociale du chercheur, sur sa responsabilité face aux rapports de domination et sur son engagement dans les luttes sociales (au point que le vécu personnel et la démarche scientifique constituent les deux faces d’un même engagement, aux dires de certains intervenants). Réaffirmant le positionnement historique de la géographie sociale française, les intervenants rappellent que ce sont les rapports et les groupes sociaux qui sont au fondement de l’organisation des sociétés et des espaces, et que l’économie et les différents mécanismes de reproduction sociale (l’école, le travail, le logement, etc.) sont les premières fonctions constitutives des processus de différenciation et de mise à distance des individus dans l’espace. Pour autant, une avancée notoire dans la géographie sociale française, en retard sur ce point sur les sciences sociales anglophones voire latino-américaines, est l’appropriation du concept d’intersectionnalité, avec la prise en compte d’autres facteurs que la hiérarchie sociale dans l’analyse des inégalités sociales et des rapports de domination : le sexe, l’âge, l’ethnicité, voire même l’écologie, dans la mesure où la crise écologique occupe désormais une place importance dans les rapports sociaux. Le texte montre également que l’espace joue, à différentes échelles, un rôle majeur dans la construction des inégalités : tout à la fois perçu, conçu et vécu, pour reprendre la distinction établie par H. Lefebvre, l’espace est en même temps le cadre physique où les inégalités se matérialisent et un enjeu pour leur reproduction, en participant notamment aux constructions identitaires des individus. Le texte relate également la montée en puissance du rôle de l’individu en géographie sociale, une évolution liée au changement de posture des chercheurs, qui prennent davantage en compte la capacité d’autonomie et d’action des individus.