Dans La société des individus (1987), Norbert Elias invite à observer la manière dont la société, les collectifs, les institutions, se constituent par l’action conjointe des individus qui les composent, sans jamais pour autant que les processus de cette construction, ni même bien souvent le résultat, n’aient été complètement anticipés par eux. Les individus, pour leur part, ne disposent toujours que d’une marge de manœuvre limitée, même si cette limite peut varier considérablement selon leur position dans l’espace social qu’ils contribuent à faire évoluer. La présente communication s’appuie sur une recherche menée au sein d’une œuvre constituée d’un collectif d’une centaine de personnes, selon le mode de l’observation participante. Présentée à l’automne 2016 dans un musée très réputé, cette œuvre qui traite du lien entre l’individu et le collectif peut être envisagée comme une métaphore Eliassienne de la société. Elle donne à voir une quarantaine de personnes (qu’on appellera les participants, et dont le nombre varie selon des impératifs logistiques), formant une sorte de nuée, à l’image des oiseaux qui se déplacent de manière spectaculairement coordonnée, en s’adaptant manifestement à leur environnement (en l’occurrence une grande salle que traversent les visiteurs), mais sans qu’aucun des individus qui composent le groupe ne semble particulièrement mener l’ensemble. Participant pendant toute la durée de l'exposition (plus de deux mois ainsi que les séances préparatoires), j’ai recueilli les impressions des autres participants, dans des entretiens informels puis au moyen d’un questionnaire auprès d’une soixantaine d’entre eux et d’entretiens semi-directifs réalisés à la fin de l’expérience.