Ce document de travail, proposée à la Conférence de l'Association of Critical Heritage Studies, présente une réflexion collective issue d'un constat partagé sur nos terrains et objets d’études respectifs. Nous observons un processus récurrent de distinction territoriale sur la base de la patrimonialisation d’objets naturels ou culturels, processus remontant dans certains cas à une durée plus ou moins longue, mais qui semble s’accélérer depuis le tournant des années 2000. Les modalités de la distinction semblent également s’infléchir, prenant la forme non plus de la patrimonialisation classique mais celle d’une « course aux labels », soit à l’octroi d’une marque distinctive supposée attester d’une « excellence territoriale » (A. Brochot). Nous entendons ici par « distinction territoriale », le fait que, dans le processus, un espace est circonscrit, dénommé et fait l’objet d’un programme de connaissance et d’action (protection, valorisation, mise en partage…).A partir de ce constat nous formulons deux grandes séries de questionnements.1°) Les modalités actuelles de la distinction territoriale en montagne, sur la base de labellisations de qualités patrimoniales et environnementales du territoire, se font-elles en continuité et en cohérence, sur les mêmes espaces, avec des processus de distinction antérieurs ? Autrement dit est-il possible de décrire sur nos différents terrains, à partir d’objets spatialisés, des trajectoires de distinction, de manière à interroger l’inscription dans le temps et la continuité de la production de singularités territoriales. Cela suppose d’éclairer, d’une part, le rapport entre la « patrimonialisation » – processus abondamment décrit depuis une trentaine d’années – et la « labellisation » - processus plus récent qui fait actuellement l’objet de lectures et d’analyses contrastées ; d’autre part le rapport entre distinction territoriale et changement.2°) Sur nos terrains, les processus plus ou moins anciens de distinction par la mise en patrimoine portent sur des objets spatialisés mêlant des propriétés à la fois « naturelles » et « culturelles ». Par ailleurs, les labels institutionnels qui distinguent ces espaces (PnR, Parcs nationaux, label Grand Site de France, label Geopark) défendent une démarche d’intégration des dimensions naturelles et culturelles des enjeux de protection..On posera alors la question de savoir si cette approche dite « intégrée » correspond sur nos terrains à une nouvelle phase du processus de territorialisation du patrimoine (Di Méo, 1994), qui contribuerait à modifier les rapports que les groupes sociaux concernés entretiennent avec les lieux précédemment distingués, ou si au contraire se maintiennent dans la durée des modes de rapport au temps, à l’espace et à autrui, soit des régimes d’authenticité (Morisset, 2009 : 26), peu sujets à variabilité et peu affectés par le nouveau paradigme de gestion intégrée de l’espace.Nous ne ferons ici qu’esquisser ces questions, à partir de la présentation successive de trois trajectoires de distinction territoriale, présentant des cas variés par l’ancienneté des processus de distinction, le nombre de processus sur un même territoire, leur notoriété. De cette présentation nous tirerons pour finir de brèves perspectives d’analyses .