L'importance de la mobilité dans les sociétés pré-contemporaines n'est plus à démontrer. Les recherches des deux dernières décennies ont rendu caduque l'image, donnée par la démographie historique, de populations en grande majorité immobiles, closes et stables jusqu'à la révolution industrielle 2. Bien que les travaux les plus innovants concernent surtout la première modernité, on peut dire que cette nouvelle approche du phénomène migratoire a aussi constitué un véritable " migratory turn " dans l'étude des sociétés anciennes. Les nouvelles orientations historiographiques Jusqu'à la fin des années 80, en effet, s'est imposé le modèle forgé par Finley des sociétés antiques comme " sociétés de face à face ". Dans ce paradigme, la mobilité était considérée comme quantitativement marginale, ce qu'on expliquait en partie par la faiblesse et le coût des moyens de communication ou par l'inélasticité du marché. Bien sûr, on savait qu'il y avait eu des mouvements de populations dès l'âge du Bronze, et les travaux sur la colonisation grecque avaient montré l'importance des communications et des échanges en Méditerranée archaïque 3 , mais on pensait la migration comme un mouvement de longue distance, le plus souvent collectif et déracinant, et non comme un phénomène socialement structurant. Ce modèle traditionnel n'a pas perdu son influence, et, dans une note récente, R. Étienne insistait à nouveau sur le " développement endogène des sociétés " , exprimait son doute sur toute logique individuelle des mouvements migratoires dans l'Antiquité, et, tout en reconnaissant que " les problèmes techniques posés par ces déplacements ne semblent pas créer des obstacles insurmontables " , affirmait son scepticisme quant à l'ampleur des mobilités : si " à la loupe on voit des échanges, de la mobilité, il faut compter avec les retours ". Et il concluait sur les propos de F. Braudel selon qui, " finalement ce qui compte c'est la masse, la majorité en place qui " absorbe " ceux qui viennent " 4. Mobilités comme épiphénomène, immobilisme en quelque sorte ontologique des sociétés antiques ! La question de la mobilité des personnes dans les sociétés antiques a pourtant été fortement renouvelée depuis la fin des années 80, pour différentes raisons sur lesquelles nous reviendrons, 1 Cet article s'inspire pour une part d'un article co-écrit avec Kaiser 2009.