Dès l’Antiquité, Aristote souligne le rôle important joué par les émotions dans la parole qui vise à convaincre, puisqu’il les place dans la triade bien connue associant les trois types de preuves que sont le logos, le pathos et l’ethos. L’émotion est donc posée comme un moyen de persuasion effi- cace. À ce rôle joué par l’émotion qui sert d’adjuvant à l’argumentation, que le locuteur utilise pour convaincre, les théories de l’argumentation les plus récentes ajoutent l’idée que l’émotion peut également être elle-même l’objet de l’argumentation : autrement dit, elle peut d’une part, comme l’a décrit Aris- tote, servir un point de vue, et elle peut également, d’autre part, constituer elle- même la position argumentative défendue. On doit la mise en avant du thème de l’émotion dans l’argumentation en général et de l’émotion argumentée en particulier aux travaux de Plantin, à travers le colloque organisé en collabora- tion avec Doury et Traverso en 1997, dont les actes ont été publiés en 2000, mais aussi à travers ses travaux ultérieurs, notamment l’ouvrage paru en 2011, Les bonnes raisons des émotions. Depuis, les travaux de Micheli ont prolongé ces réflexions et souligné la dimension argumentable des émotions (2010 a et b, 2013). Les approches de Plantin et Micheli ont comme point commun de défendre une perspective descriptive de l’argumentation, s’opposant ainsi aux tenants de la pragma-dialectique qui, à partir d’une position normative, jugent que l’argumentation par l’émotion est fallacieuse. [...]