L’étude des places marchandes de Casablanca révèle une imbrication scalaire croissante et inédite entre Maroc, Mauritanie et Sénégal. Entre produits chinois, marocains et africains, les étals des boutiques permettent de poser l’hypothèse d’une intrication croissante des relations commerciales régionales, malgré la faiblesse des chiffres officiels de l’import-export. Commerçants et commerçantes, transporteurs, « petits businessmen » marocains, sénégalais, et plus largement ouest-africains circulent de plus en plus et participent par leurs mobilités et celles de leurs marchandises à un renforcement des liens économiques intra-régionaux. Ces dynamiques se lisent dans l’espace urbain à travers le renforcement de centralités commerciales, devenues plaques-tournantes de circulations régionales en tous genres. Nos observations, réalisées dans plusieurs marchés le long de la route littorale transsaharienne – à Casablanca et à Tanger au Maroc, à Dakar et à Rosso au Sénégal, à Rosso et à Nouakchott en Mauritanie –, invitent à une réflexion sur la consolidation, en cours, d’un espace transnational entre ces trois pays voisins par les activités commerciales. Ce processus se fait d’une part par les institutions, à travers le développement des infrastructures d’importance régionale par exemple ou le renforcement de la diplomatie africaine au Maroc. Il passe d’autre part par les acteurs locaux qui tissent des liens entre ces différentes places marchandes, par leurs mobilités et celles des marchandises et des capitaux qu’ils échangent. Ces liens, certes ténus, se sont renforcés durant la dernière décennie et sont de plus en plus visibles et lisibles depuis les espaces urbains étudiés. Nos observations et entretiens multi-situés nous permettent de mettre en lumière les pratiques transnationales des acteurs concernés et de saisir les organisations marchandes (types de produits échangés, évolution des modes de transports, fonctions des places marchandes…) entre les différents lieux investigués. Etudier les lieux et les acteurs du commerce de biens de consommation courante entre Maroc, Mauritanie et Sénégal permet de souligner le lien entre commerce de détail et de gros, mobilités régionales et développement économique local, tout en formulant l’hypothèse d’un processus d’intégration régionale par le bas.