Le problème de la responsabilité chez Epicure
Résumé
The aim of this paper is to emphasize the importance of explanation in Epicurean ethics. The explanation of the phenomena, the scientific research of their causes at the level of the very principles (i.e. atoms and void), allow man to reach the tranquillity of the soul. It is the reason why Lucretius, after Epicurus himself, insists upon the fact that the aim of philosophy is « naturae species ratioque ». Such an aspect of the atomistic philosophy is also valid for what constitutes, probably, the very condition of ethics: the fact that the agent is morally responsible and hence deserving of praise and blame. The atomistic explanation of the human responsibility is nevertheless a real problem; the hypothesis of the swerve of the atom might have been made by Epicurus in order to account for it, but it is impossible to understand satisfactorily how the swerve may be the cause of responsibility. The evidence of responsibility constitutes the main argument of the defenders of the thesis which considers that responsibility did not constitute a problem for Epicurus himself and that he simply saw no point in precising the causal link between swerve and human responsibility. I would like to contest this thesis. The fact that responsibility does not need to be demonstrated, because every demonstration supposes it, does not prevent from explaining it. Epicurus is an empiricist, but he is an atomist too and what prevails in his epistemological methodology is the passage from the evident to the inevident. The field of ethics does not constitute an exception to this rule. It exists a requirement of explanation of human responsibility in Epicurus, requirement concerning which we don't know whether it has been fully satisfied or not, but which is, in any case, constitutive of the problematical character of responsibility.
Le but de cet article est de mettre en évidence la place centrale de l'explication dans l'éthique d'Epicure. L'explication des phénomènes, en effet, la recherche scientifique de leurs causes au niveau des principes mêmes du système, autrement dit des atomes et du vide, permet, comme on le sait, d'assurer à l'homme la tranquillité de l'âme et donc le bonheur. C'est la raison pour laquelle Lucrèce, après Epicure, souligne que le but de la philosophie est l'examen de la nature et son explication. Une telle vocation de la philosophie atomistique est aussi et peut-être surtout valable pour ce qui constitue la condition même de la morale: le fait que l'homme est susceptible d'éloge et de blâme et par conséquent, susceptible d'être tenu pour responsable de ses actes. L'explication atomistique de la responsabilité humaine pose cependant problème. On sait que l'hypothèse de la déclinaison des atomes aurait été forgée par Epicure afin précisément d'en rendre compte sans que pour autant on puisse comprendre de manière satisfaisante comment le clinamen puisse être la cause de la responsabilité. Le caractère évident de la responsabilité constitue l'argument majeur des tenants de la thèse selon laquelle le problème de la responsabilité n'en était pas un pour Epicure et qu'il n'a tout simplement pas jugé utile de préciser le rapport causal entre le clinamen d'une part et la liberté humaine de l'autre. Je voudrais contester cette thèse. La responsabilité n'a certes pas besoin d'être démontrée dans la mesure où toute démonstration la suppose, mais dans la mesure où le caractère évident d'un phénomène ne constitue jamais, chez Epicure, une raison suffisante pour renoncer à son explication en termes atomistiques, il existe bien une exigence d'explication de la responsabilité chez Epicure dont on ne sait si elle a été pleinement satisfaite mais qui est, en tout état de cause, constitutive de son caractère problématique.