Socrate n'a jamais monnayé sa sagesse. Un de ses disciples pourtant, Aristippe de Cyrène, fut un des premiers socratiques, selon Diogène Laërce (II, 65), à exiger un salaire, comme bien d'autres d'ailleurs (Xénophon, Mémorables I, 2, 60). Le rapport à l'argent n'apparaît pourtant pas comme une sorte de mal nécessaire chez Aristippe. Ce dernier ne se pose pas en disciple honteusement infidèle au désintéressement de son maître ; il semble au contraire accorder à l'argent un rôle positif, en tant qu'élément à part entière de sa philosophie, notamment au niveau des rapports particulièrement élaborés que l'argent entretient selon lui avec la sagesse et avec le plaisir. Le but de cet article est d'explorer et d'expliciter ce statut original – et peut-être même unique dans l'histoire de la philosophie – qu'Aristippe confère à l'argent au sein de sa doctrine et de déterminer si, ce faisant, il entre en contradiction avec l'inspiration originelle de son maître Socrate.