Les voies incertaines de l’instruction religieuse dans les petites Antilles françaises (XVIIe-XVIIIe s.), p. 195-219 - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2017

Les voies incertaines de l’instruction religieuse dans les petites Antilles françaises (XVIIe-XVIIIe s.), p. 195-219

Résumé

L’implication des propriétaires et domestiques européens dans l’évangélisation des esclaves constitue une réalité tangible au XVIIe siècle. Du fait du soutien des autorités civiles et d’un clergé actif, elle permet de surmonter les obstacles pratiques et de faire progresser l’évangélisation jusqu’à la fin du siècle. Elle est alors le fait d’hommes encore très imprégnés des normes et des formes de dévotion de l’Europe de la Contre-Réforme. Leur retrait progressif mais sensible au siècle suivant s’explique en grande partie par la priorité absolue accordée au travail. L’assistance au culte dominical, en générant des déplacements difficiles à encadrer, complique la gestion de la main d’œuvre. Le bénéfice symbolique d’une évangélisation poussée des esclaves est trop abstrait et lointain pour que les maîtres s’y investissent. Ils perçoivent aussi davantage le danger de messages jugés ambigus voire subversifs de certains missionnaires. Il s’agit là du reproche le plus explicite qui leur est adressé, mais implicitement c’est leur ingérence dans le rapport d’exploitation qui suscite la prise de distance. Le désinvestissement des maîtres s’explique en outre par des relations souvent tendues avec le clergé. Par leur comportement privé, les hommes blancs créoles sont en butte avec la morale religieuse et s’attirent ainsi la réprobation des prêtres, peu enclins dans ces conditions à leur accorder un rôle actif. Les autres libres, qu’ils soient des Européens, des Libres de couleur ou les épouses des maîtres, semblent d’emblée placés hors de ces enjeux et l’on ne repère guère de signes au XVIIIe siècle de leur participation active à l’évangélisation ou plus généralement à la vie religieuse. Les esclaves, en particulier créoles, prennent ainsi au cours du XVIIIe siècle le relais de leur propre évangélisation, comme on le constate par le biais du parrainage. Leur rôle est néanmoins mesuré du fait d’obstacles juridiques et de leur condition subalterne. Tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles, le clergé engage quelques tentatives pour les impliquer, que ce soit par l’organisation de processions ou par la désignation d’intermédiaires pour l’instruction. Elles restent néanmoins peu ambitieuses et isolées. En effet les initiatives accordant un rôle actif aux esclaves sont considérées comme suspectes voire dangereuses aux yeux des maîtres et des autorités civiles, comme le montrent les reproches croissants à l’encontre des Jésuites qui en sont la cible privilégiée. Au cours du dernier tiers du XVIIIe siècle, l’idée que l’esclavage pourrait être adouci par la religion se diffuse auprès d’administrateurs et sans doute de quelques propriétaires. Ce nouveau regard, s’il permet de reconsidérer la place de la religion en milieu esclavagiste, n’est guère suivi d’actions concrètes. Si le clergé valorise enfin, par le règlement de discipline, l’investissement de laïcs dans l’action évangélisatrice, il n’en reste pas moins que le XVIIIe siècle a été dominé par leur marginalisation. La voie collaborative, étroite et parsemée d’embûches, n’a pu être empruntée que dans la mesure où elle n’attentait pas ni à l’autorité des maîtres ni à l’ordre esclavagiste.

Domaines

Histoire
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-01909762 , version 1 (31-10-2018)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-01909762 , version 1

Citer

Vincent Cousseau. Les voies incertaines de l’instruction religieuse dans les petites Antilles françaises (XVIIe-XVIIIe s.), p. 195-219. Aliocha Maldavsky. Les Laïcs dans la mission. Europe et Amériques, XVIe-XVIIIe siècles, Presses Universitaires François Rabelais, 2017. ⟨halshs-01909762⟩
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