Dans les encyclopédies médiévales, une notice décrivant un animal peut être définie comme une succession de différentes propriétés (descriptives, comportementales, légendaires, médicinales, morales, etc.) prenant la forme d’un assemblage d’extraits choisis dans les œuvres des Autorités (Pline, Isidore, Physiologus, Pères de l’Église, Aristote, etc.). Ces propriétés peuvent être utilisées d’une part par l’enlumineur pour créer une image de l’animal, la plupart du temps dans le cadre d’une représentation non naturaliste ; d’autre part par l’homme d’église pour créer des exempla et des moralisations, pouvant servir au prédicateur pour édifier son auditoire, ou au prélat pour rédiger des sermons sur la base d’anecdotes exemplaires tirées de la nature. Dans ce cadre, nous nous intéresserons au Liber de natura rerum de Thomas de Cantimpré, une encyclopédie du xiiie siècle, particulièrement dédiée à l’histoire naturelle. Le manuscrit 320 de Valenciennes, datable autour de 1290, est un des plus anciens témoins enluminés du Liber de natura rerum. Chaque notice y est illustrée d’une image ; les marges du manuscrit conservent un nombre important d’instructions pour l’enlumineur, écrites en langue vernaculaire. En quelques mots ou quelques lignes, ces instructions synthétisent les éléments les plus marquants de la notice pour indiquer à l’enlumineur ce qu’il doit dessiner. Pour les animaux les plus courants, une simple mention du nom commun de l’animal suffit. Les instructions plus complexes sont tirées des éléments de la description, des propriétés comportementales ou synthétisent une action ou une petite histoire, parfois liée à une propriété légendaire. À partir d’exemples concrets tirés du manuscrit de Valenciennes – et notamment du livre sur les poissons, qui présente le plus de notes pour l’enlumineur – nous essayerons de comprendre comment fonctionne cette fabrique de l’image, ainsi constituée en forme de puzzle à partir de plusieurs propriétés transformées en signes figurés, pouvant souvent se présenter sous forme d’attributs iconographiques bien connus, permettant de reconnaître l’animal de façon certaine (la tour sur le dos de l’éléphant, l’homme malade du caladrius, le miroir du tigre, les bosses du chameau, etc.). Enfin, il s’agira de voir si les éléments comportementaux ou fictionnels tirés des notices pour former les images sont les mêmes que ceux choisis par les auteurs de bestiaires moralisés inspirés des encyclopédies médiévales. On prendra à ce propos quelques exemples tirés de moralisations inspirées par Thomas de Cantimpré, mais aussi de textes utilisant Barthélemy l’Anglais, les deux auteurs partageant les mêmes autorités sur l’histoire naturelle et donc de nombreuses « propriétés » pour chaque espèce décrite.