26 septembre 2016 : sous le regard consentant de la communauté internationale, Juan Manuel Santos, président de la Colombie, et Rodrigo Londoño, commandant leader de la guérilla de FARC, signent les Accords de paix après 5 ans de négociations et un demi-siècle de confrontation armée. La photo des anciens ennemis réconciliés, reprise par tous les médias à l’international, a été rapidement éclipsée par les résultats de la consultation du 1er octobre, où les citoyens ont rejeté les Accords. La stupeur a paralysé l’ensemble des acteurs sociaux : cette défaite a mise en relief les fractures d’une société dont l’expérience du conflit a été vécue différemment. Pour cette communication nous proposons d’analyser la réponse de l’Etat à ces fractures : la campagne Pédagogie pour la paix, à partir des quatre cahiers directifs diffusés par le gouvernement. Ces instruments d’information obéissent à des enjeux sociaux et politiques très complexes qui, à nos yeux, permettent de révéler des problématiques récurrentes dans l’étude des discours programmateur (i) la prise en compte des espaces d’implication dans le cadre d’une sémiotique des pratiques, laquelle permet de mettre en évidence une topologie complexe. Nous y trouvons au moins trois espaces distincts, et donc, trois discours correspondants: discours programmatique (espace potentiel, celui de la paix comme horizon), discours protocolaire (espace établi, textes de loi) et discours programmateur (espace en cours d’actualisation, cahiers, accords de paix) (BASSO-FOSSALI et THIBURCE, 2017). (ii) on peut noter l’intermittence entre stratégie (espace connu) et tactique (espace inconnu). Le discours programmateur essaie de réduire l’indétermination de l’espace passionnel intersubjectif en redonnant au sujet la confiance en lui-même pour le sortir de son état d’inhibition et pour le faire agir (ibid.), comme le témoignent, dans les cahiers, les diverses stratégies rhétoriques utilisées. (iii) En fin, le texte des Accords est une feuille de route (programmatique) mais qui doit encore suivre un chemin administratif pour se traduire dans des textes législatifs (protocole). Bref, le cas colombien a un intérêt particulier dû au fait de la complexité inhérente à toute réconciliation, qui n’est qu’un saut dans le vide et où le discours institutionnel tente de tracer les contours d’un espace social potentiel mais encore inexistant.