Nostalgies européennes le long du boulevard Saint-Laurent à Montréal : Marques, traces et réinvestissements territoriaux
Résumé
Le boulevard Saint-Laurent est désigné dès 1996 comme lieu historique national du Canada pour sa fonction de « corridor de l’immigration ». La conservation des traces et l’apposition de marques le long du boulevard constituent une des manières de mettre en valeur ce patrimoine, de même que les diverses initiatives telles que les cliniques de la mémoire organisées par la communauté portugaise ou le musée interactif juif. Ces quartiers ethniques qui affirment haut et fort leur enracinement européen, entre marques nostalgiques et commerces de bouche, montrent des trajectoires différenciées : ainsi au sud de la Picola Italia avec son « mode de vie à l’italienne », reconnue institutionnellement, certains membres de la communauté portugaise souhaitent la création d’un quartier portugais officiel, une manière de perpétuer la mémoire, de façon plus discrète et moins excluante, dans un cadre urbain cosmopolite. Ce marquage trace se double d’un marquage présence (Veschambre, 2003), avec l’organisation de festivités : Semaine italienne de Montréal, dimanches du Portugal ou encore cérémonies religieuses. Ces quartiers constituent ce que Jean Rémy (1990) qualifie de « quartier fondateur », c’est-à-dire le quartier d’installation première des immigrants, véritable « lieu d’articulation entre deux univers », le pays qu’ils ont laissé derrière eux et le pays d’accueil. « La rue est ici un paysage construit, modelé, prenant appui sur des éléments extra-locaux ramenés d’un passé éloigné » (Velasco-Graciet, 2007) et utilisés à des fins mémorielles, mais aussi économiques et touristiques. L'article interroge les pratiques et représentations des différents acteurs aux sources de la mise en patrimoine, mais aussi ses formes matérielles et immatérielles. Le questionnement portera notamment sur des formes européennes transplantées dans un jeu complexe de tri et de nostalgies. Comment la fabrique patrimoniale intègre-t-elle l’ici et le là bas ? Quels sont les instrumentalisations économiques de ces patrimoines et leurs enjeux aux différentes échelles territoriales, depuis le quartier jusqu’à la ville, voire le national ?
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