Écrite dans les années 1180, la Vita du bienheureux Hamon de Savigny († 1173), ouvre au lecteur une focale particulière du noviciat dans une abbaye cistercienne. Entré comme novice au monastère de Savigny en 1121, Hamon contracte la lèpre selon la rumeur publique. Tous ses efforts pour étudier les Écritures et accéder au rang de moine semblent réduits à néant. Dégradante et handicapante, la maladie l’empêche de faire sa professio et de devenir prêtre. Il se consacre alors au service de moines lépreux, à la prière, au jeûne et à la mortification d’un corps déjà en ruine. Faire corps avec celui du Christ torturé, confère la grâce d’une humiliation jubilatoire. Cette sacralisation de la souffrance forme l’armature des valeurs du christianisme. La lèpre d’Hamon incarne les douleurs du Christ que saint Jérôme identifiait à celles du lépreux. En offrant ses souffrances à Jésus Hamon se voue au Christ. La violence de la maladie est sacrée : elle sépare. Le récit montre une pénitence quotidienne brutale où Hamon devient la figure d’un nouveau Job abandonné de tous. Mais sur quels critères Hamon est-il condamné à la souffrance d’un lépreux ? La Vita démystifie la lèpre dont il est atteint pour faire de lui un être « christomimétique », innocent des fautes dont on l’accuse.