Définir l’espace d’une discipline
Résumé
Based upon an analysis of thirty years of the Revue de musicologie, between 1960 and 1990, this
paper traces the interlacing of the fields of musicology and history. By 1960, musicology had become an established
field, with its own methods and tools; it was rapidly gaining academic visibility. Nonetheless, musicology has yet to
“bring music into the field of general history,” as Armand Machabey expressed it, in 1931. Musicology still appears
out of the main stream of the epistemic dynamics that are operative in the other humanities and social sciences. The
field of history, in particular, has undergone profound changes since the 1930s, through the confrontation of traditional,
19th-century scholarly methods with the new “total history” of the Annales school of economic and social history. This
paper proposes a reassessment of the common view (of musicology out of the main stream), and shows how certain new
trends in historical analysis have indeed made inroads into musicology. In the 1960s, the primacy usually accorded to
text and notation began to yield to a more critical view of source materials, thanks in particular to the growing influence
of ethnomusicology. In the following decade, a more generic idea of the meaning of “social,” and the influence of the
quantitative perspectives of the historians began to be felt in the pages of the Revue de musicologie. Finally, in the
1980s, a new generation of scholars accelerated the frequency of interdisciplinary dialogue presented in the journal.
Fondé sur l’analyse de trente années de livraisons de la Revue de musicologie, entre 1960 et
1990, l’article propose une esquisse d’histoire croisée de la musicologie et l’histoire. En 1960, la
musicologie est une discipline installée qui a développé ses propres méthodes et ne cesse de gagner
en visibilité académique. Pour autant, elle n’est pas parvenue à « intégrer la musique dans l’histoire
générale », comme l’appelait de ses voeux en 1931 Armand Machabey, et paraît en retrait des
dynamiques épistémiques à l’oeuvre dans les autres sciences humaines et sociales – notamment
l’histoire, sortie profondément renouvelée de la confrontation menée à partir des années 1930 entre
les méthodes d’érudition héritées du xixe siècle et la science des « hommes en société dans le temps »
(Marc Bloch) prônée par la génération de la revue des Annales d’histoire économique et sociale. L’article
entreprend de nuancer ce constat en observant une diffusion progressive des nouveaux courants
de la recherche historique sur la musicologie. Une première période voit cohabiter dans les années
1960 l’ancien primat du texte et de la notation avec l’émergence d’une pensée critique des sources,
grâce notamment à la présence renforcée de l’ethnomusicologie ; durant la décennie suivante, le
concept générique de social et la perspective quantitative de l’histoire infusent sur les productions
de la Revue. Dans les années 1980 enfin, un profond renouvellement générationnel amorce une
accélération du dialogue interdisciplinaire.