Etendue d’Annecy-Cran-Gevrier jusqu’à Grenoble-Rives, la nébuleuse métallurgique alpine doit son existence à la transformation du minerai de fer d’Allevard et de basse Maurienne qui permet de produire un « acier naturel » au charbon de bois réputé depuis le Moyen-Age. Ce territoire industriel s’appuie sur les liens qu’entretiennent plusieurs systèmes locaux de production spécialisés et complémentaires (mines et sidérurgie de Maurienne et d’Allevard, aciéries et taillanderies de Rives et du Val Gelon, et clouterie des Bauges et de Matheysine). La flexibilité et l’adaptabilité de l’ensemble est permise par la circulation des ouvriers de métiers (fondeurs, forgerons et charbonniers) et de leurs techniques dans l’espace alpin et au-delà, et par la pratique massive de la pluriactivité. C’est ce qui permet à la nébuleuse métallurgique alpine de connaître son apogée en pleine « révolution industrielle ». Ce territoire industriel original éclate à la fin du XIXe siècle à la suite du développement conjoint des transports, des techniques métallurgiques anglaises et des idées libérales. Mais, à l’exception de la basse Maurienne, cet éclatement ne se traduit pas fatalement par une désindustrialisation sèche. Des entreprises modernes se structurent à partir de ce vieux terrain industriel comme les Forges d’Allevard et les Forges de Cran, tandis que les cloutiers des Bauges participent activement à la reconversion dans la production fromagère. Mené notamment à partir d’archives privées inédites, ce travail a non seulement pour ambition de retracer l’évolution historique de ce vaste territoire industriel alpin, mais également de montrer que l’entrée par le territoire, conçu comme un processus de longue durée dans lequel se rencontrent dimension locale et dimension globale, permet d’enrichir la démarche historique.