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Ouvrages Année : 2009

Voyages de photographes

Résumé

Très tôt, la photographie a été utilisée par des voyageurs divers : les pionniers se tournent vers l’archivage des monuments ; les ethnologues emploient la prise de vue pour recenser les types humains ; l’appareil photographique se fait l’emblème des touristes ; les grands reporters parcourent le monde, afin de « couvrir » l’événement. De bonne heure, l’espace du livre accueille les images : les ouvrages regroupant des clichés pris au cours d’un voyages sont infiniment nombreux. Mais, à partir des années cinquante, se développe un genre neuf : des photographes itinérants se donnent pour horizon le livre qui conditionne leur pratique de la prise de vue ainsi que du voyage. Leurs ouvrages - conçus comme des ensembles - renvoient à leur vécu vagabond (même si la fiction n’en est jamais complètement absente) ; ils thématisent le déplacement et laissent affleurer la subjectivité de leurs auteurs. Il est dès lors loisible de parler de « Voyages de photographes » (comme on parle de « Voyages d’écrivains ») pour désigner la relation de l’expérience - et non le vécu lui-même. Dans ces livres, certains motifs récurrents contribuent à évoquer le déplacement. Des figures insistantes (la route, l’habitacle automobile ou ferroviaire…) manifestent l’inscription dans un genre. Souvent aussi, les sites sont photographiés de sorte qu’ils sont rapportés à la perception d’un être de passage, à « un usage du monde » pour reprendre l’expression de Nicolas Bouvier. Le parcours du territoire s’accompagne d’un cheminement dans le temps : la fabrication du livre sollicite la mémoire du photographe, mais le voyage lui-même est appréhendé dans la perspective d’une mémoire à venir. Le praticien vagabond est sensible aux stries du temps inscrites dans le paysage. Le voyage peut se faire propédeutique à une attention accrue au réel (c’est le cas chez Bernard Plossu, Klavdij Sluban ou Thierry Girard). Les renvois d’un « Voyage » à l’autre contribuent à la conscience d’un genre ; ils créent le sentiment de l’appartenance du photographe à une forme de caste d’êtres itinérants, privés d’amarres et doués de liberté. C’est, pour l’auteur, une façon de se doter d’une famille élective, qui lui permet plus ou moins de se définir. Le genre se développe à la croisée d’influences diverses, qui s’y donnent à lire. Il s’alimente d’une évolution du photoreportage et de l’émergence progressive, en ce domaine, de la notion d’auteur, liée à une volonté des praticiens de manifester leur subjectivité. Mais il n’est pas étranger non plus à l’importance accordée dans le champ de l’art, dans les années 40-50, à la notion de work in progress, à la spontanéité et à l’improvisation. Bon nombre de « Voyages » expriment des aspirations issues de la Beat Generation et de la culture hippie. Certaines réalisations renvoient à un désir de contact retrouvé avec une « nature intacte ». Mais il est aussi des praticiens qui flânent en ville et leurs ouvrages manifestent l’héritage de la pensée de Walter Benjamin, l’empreinte du surréalisme, reprennent un imaginaire de la dérive, marqué par le situationnisme. L’ancrage des « Voyages de photographes » dans des représentations anciennes (on pense à la légende du juif errant), leur détermination par certaines motivations individuelles (la figure de l’homo viator n’est jamais loin) n’excluent pas leur perméabilité aux préoccupations de la société contemporaine. Le genre est propice à l’émergence et à la traduction d’un positionnement du sujet par rapport au réel ; aussi prend-il souvent une valeur critique. Le « Voyage de photographe » manifeste aujourd’hui une grande vitalité.
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Dates et versions

halshs-02426483, version 1 (02-01-2020)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-02426483 , version 1

Citer

Danièle Méaux. Voyages de photographes. 2009. ⟨halshs-02426483⟩
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Dernière date de mise à jour le 07/04/2024
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