Extension du domaine de la norme, ou transgression de la transgression
Résumé
C’est un fait : Houellebecq choque. Ou plutôt : il s’est durablement imposé dans le champ littéraire comme un provocateur. Cet article vise à interroger la notion de « transgression », non pas du point de vue de son potentiel contenu idéologique, mais du point de vue de sa fonction au sein de la dynamique créatrice. Choquer est-il le but ultime de Houellebecq romancier ? Pourquoi ? L’analyse d’Extension du domaine de la lutte, son premier roman, révèle que cet « artiste opportuniste » (M. Alcalde) n’a jamais été dupe de la valeur absolue accordée aujourd’hui à la transgression en Art : sa narration démontre, au contraire, une conscience aiguë et désenchantée du statut ambigu de la transgression dans notre société de l’individu, où l’empire étouffant de la standardisation des habitus coexiste avec une injonction permanente à se distinguer. Alors, pour Houellebecq écrivain, à quoi sert-il de choquer ?