Loin de résulter exclusivement d’opérations cognitives et discursives, l’adhésion aux causes militantes s’étaye sur des sensibilités communes que les militants mettent régulièrement à l’épreuve. Ainsi, le travail de dénonciation de la corrida engendre une offre émotionnelle qui constitue, non seulement une procédure d’interpellation de soutiens préalablement insensibles, mais encore une « rétribution » à part entière des militants. Le chapitre souligne le caractère composite des réactions affectives que les dispositifs de sensibilisation au combat anti-tauromachique s’efforcent de susciter. Certes, le matériel utilisé vise souvent à frapper les sens et se manifeste par une mise en scène très récurrente des corps suppliciés des taureaux. Les émotions négatives ainsi éprouvées (dégoût, indignation, colère, compassion pour la victime) instituent la conviction du caractère impérieux et urgent de l’engagement. Cependant, ces réactions viscérales déplaisantes se combinent avec des émotions positives, bien plus sophistiquées, auxquelles invitent des dispositifs parfois empruntés à l’art, à la littérature à la philosophie (aptitude à toucher les cœurs, jouissance esthétique, introspection réflexives, fierté des avants gardes). C’est parce qu’ils se voient offert la possibilité d’éprouver ces émotions gratifiantes que les activistes de la cause peuvent supporter les coûts de leur engagement.