La réflexion s’appuie sur une série d’enquêtes par entretiens menées en France, en Italie et au Japon concernant les émotions politiques ressenties par les élus locaux avant d’exercer le pouvoir. Dans la première partie, deux résultats sont détaillés. Le premier est la récurrence de souvenirs s’apparentant à des sanglots enfouis. Il s’agit d’émotions intériorisées sur des blessures familiales, des fragilités affectives et une capacité précoce d’empathie relationnelle. Le second résultat concerne les émois fondateurs que les élus ont ressentis lors de leur première expérience de compétition électorale. Les récits montrent un souvenir valorisant d’exposition de soi, un plaisir d’immersion dans des collectifs et sur des territoires chargés de symboles. Dans la seconde partie, ces données sont inscrites dans les champs de connaissance sur l’engagement politique et l’exercice du pouvoir. Dans un premier temps, une brève revue de littérature est détaillée sur la démocratie des émotions qui montre que malgré une grande diversité d’avancées en termes de spécialisation des connaissances, de diversification des objets d’étude et d’hybridation des questionnements, peu de passerelles sont proposées pour éclairer les émotions fondatrices des élus. Est alors défendue, à titre exploratoire, une approche mobilisant la notion d’égo-politique. La proposition est appuyée sur trois courants d’analyse qui permettent de reconsidérer les émotions premières des élus comme des variables constitutives en termes de médiation, d’éligibilité et d’individualisation. La réflexion se conclut par une ouverture sur les protocoles de recherche qui, en proposant des introspections littéraires, favorisent une meilleure prise en compte de cette démocratie sensible en formation.