Dès l’Antiquité tardive, le monachisme oriental témoigne de l’importance des correspondances monastiques tant dans les échanges entre communautés que dans les relations entre les frères et le monde extérieur. L’intérêt de ces échanges est autant dans l’abondance du corpus que dans sa composition, sa diversité et l’étendue des thématiques qui y sont abordées, y compris les plus formelles. En Occident, il faut attendre les temps carolingiens pour observer un net retour de ces pratiques épistolaires en lien avec l’expansion de l’empire et surtout avec le regain de l’intérêt marqué pour l’Antiquité. Les moines ne font pas exception à ce renouveau. Loup de Ferrières ou Raban Maur côtoient avec autant de verve et de diversité Alcuin ou Hincmar de Reims. Il s’agit ici d’examiner, pour l’espace ligérien, les traces que ces correspondances monastiques ont laissées. La composition de recueils, peut-être moins développée en ces régions qu’ailleurs, n’empêche pas les échanges épistolaires d’être attestés de manière certes moins raisonnées et plus diffuses, sans pour autant être négligeables. On dressera d’abord les contours d’un corpus peu étudié à partir les figures d’Abbon de Fleury et de Constantin de Micy dans leurs échanges avec évêques (Gerbert, Fulbert de Chartres…), abbés (Gauzbert, Odilon, Bernier…), communautés de frères (St-Martin de Tours, Micy…), papes (Grégoire V, Jean XVII…) ou souverains (Robert le Pieux). La correspondance d’Abbon, si réduite soit-elle au regard de celle d’un Gerbert, d’un Suger ou même d’un Adam de Perseigne mérite qu’on s’y attarde. Les auteurs de l’Histoire littéraire de la France ne regrettaient-ils pas déjà en leur temps qu’on n’ait pas rassemblé et édité en un recueil propre les quinze épîtres conservées de l’abbé de Fleury ? On examinera les réseaux de relations et de sociabilité que ces échanges épistolaires mettent en jeu, les pratiques intellectuelles, spirituelles ou politiques dont ils témoignent mais aussi les litiges ou les controverses qu’ils abordent et les résultats auxquels ils aboutissent. On envisagera donc ces correspondances comme le miroir d’un positionnement des moines dans la société au tournant du XIe siècle. On poursuivra l’enquête vers les XIe et XIIe siècles réputés être, depuis les travaux de Giles Constable et avant les développements d’une formalisation du genre via l’essor de l’ars dictaminis, l’âge d’Or de la correspondance médiévale.