Lorsque Jean de Boyssoné célèbre par une épitaphe la mémoire de Clément Marot, c’est le souvenir du poète des « amours tendres » (teneros amores) qu’il évoque – celui des larcins et des jeux de Cupidon ou encore des ébats sexuels de Martin et Alix. Pour Boyssoné, l’affaire semble donc entendue : l’auteur de L’Adolescence clementine est bien le délicat poète de Vénus. Or depuis la fin du XXe siècle, la critique a eu tendance à infléchir cette image pour lui substituer celle plus austère du chantre de l’amour « Ferme », résolument (voire religieusement) opposé aux séductions faciles de « Cupido, le mol filz de Venus ». Je voudrais donc analyser l’imaginaire érotique du recueil de l’adolescence du poète (l’âge de Vénus) afin d’en dessiner la cohérence ou les contradictions. Suivre Pétrarque et jouer les amoureux, c’est parfois risquer de s’amollir comme les courtisans moqués par l’Arétin, qui arborent le petit Pétrarque de poche en même temps que les ornements les plus féminins. Dans L’Adolescence clementine, le « disciple estimé de Pétrarque » (comme il se nomme lui-même) semble vouloir conjurer cette menace de l’amour amollissant à travers un diptyque que composent dès l’ouverture du recueil le « Jugement de Minos » et le « Temple de Cupido », un dialogue humaniste adapté de Lucien et un « petit traicté d’amourettes » par lesquels le jeune rimeur entend apprendre à un roi tout aussi jeune que l’amour bien compris n’est pas un risque pour la virilité d’un prince. À partir de l’étude de ces deux textes, j’aimerais montrer en quoi L’Adolescence clementine parvient à se construire comme un recueil de la masculinité triomphante. L’analyse des deux seules pièces du livre que l’on peut qualifier de burlesques (avant la lettre) permettra de confirmer a contrario cette lecture, par la mise en scène exceptionnelle d’un apprentissage inversé qui voit l’adolescent perdre sa virilité au contact des femmes et des efféminés.