Le musée, objet mythologique décrit par Bernard Deloche, ressort d’une construction qui s’inscrit dans l’histoire moderne de la culture savante européenne. Science, histoire, philosophie s’imposent comme des instruments de dominations polymorphes au moment de l’extension des empires coloniaux. Le musée, temple et reliquaire, en constitue l’une des institutions phare. Pourtant ce modèle entre en crise à partir du milieu du xxe siècle avec une redéfinition des dominations du passé : décolonisation, mouvements successifs d’émancipation… redéfinition accompagnée de courants de pensée, notamment postmoderne, sources de contestations épistémologiques. Depuis les années quatre-vingts, les musées amorcent peu à peu une mue qui continue aujourd’hui. L’approche développée ici considère l’histoire des musées comme consubstantielle de l’universalisme européen, fleuve accueillant les ressacs de divers paradigmes de la raison occidentale : théologique, égologique, moderne et postmoderne. L’article interroge donc l’institutionnalisation de la production des savoirs et sa valeur de domination, en particulier sur deux lignes : décolonialité et épistémologie. En premier lieu, nous suggérons de situer le musée, en dehors de ses terres d’élection, comme « un objet anthropologique qui renseigne sur une modalité parmi d’autres de la palabre en Occident (Nadia Yala Kisukidi, 2015) ». En second lieu, nous proposons des pistes épistémologiques pour prémunir le musée de toute dérive dogmatique : scepticisme, anarchie (Paul Feyerabend), désobéissance (Franz Fanon), critique ou encore parodie (Jean-François Lyotard).