En 2005, le biologiste, géographe et historien américain, Jared DIAMOND a publié Collapse. How Societies Choose to Fail or Survive . L’auteur y renoue avec l’idée que toutes les civilisations sont mortelles et portent en germe leur propre régression ou effondrement. Pour DIAMOND (2005), la puissance de la civilisation thermo-industrielle dissimule sa fragilité. Le saccage de la nature, le réchauffement climatique et la fin programmée du pétrole pourraient conduire à son effondrement. Dans le même esprit, la revue Nature, a publié en 2012, un article intitulé « Approaching a state shift in Earth’s biosphere », rédigé sous la direction de l’écologue Anthony David BARNOSKY . Cosigné par vingt-et-un chercheurs, le texte aborde la possibilité d’un point de non-retour dans la dégradation de l’environnement, suite aux effets cumulés du réchauffement climatique, de l’épuisement des ressources et de la dégradation des sols saturés d’engrais et de pesticides. Cette publication souligne la mauvaise observation, l’insuffisante compréhension et, en définitive, la gestion humaine déficiente des réalités environnementales, lesquelles conduiraient à la disparition de la société industrielle. Citons encore le mathématicien Safa MOTESHARREI et al. (2014), du Centre national de synthèse socio-environnementale (de l’université du Maryland et du Minnesota) ; celui-ci considère qu’en raison d’un problème de gestion des ressources naturelles et d’une mauvaise répartition des richesses, la civilisation industrielle pourrait disparaître dans les prochaines décennies . Ces chercheurs, tout comme jadis les tenants de la philosophie de l’histoire, partent du passé proche ou lointain - empires romain ou maya, Ile de Pâques, Iles Pitcairn, bloc soviétique - pour élaborer des modèles génériques d’effondrement des sociétés humaines et envisager l’avenir. Les travaux actuels ressortent de ce que l’on appelle, de plus en plus, la « collapsologie », un néologisme construit à partir du latin collapsus, signifiant « tombé d’un bloc », « s’écrouler » (à l’origine du verbe anglais to collapse, « s’effondrer ») et du grec logos, « la raison », « le discours ». La collapsologie invite à questionner l’impact de l’homme sur l’environnement, sa façon de vivre et de vieillir, ses modes de consommation et d’alimentation dans les sociétés modernes (DECHAUX, 2001), complexes (TAINTER, 1988). La collapsologie réfléchit aussi à des formes alternatives de développement, dans une approche prospective ; Pablo SERVIGNE (2018), ingénieur agronome et éthologue français, est particulièrement représentatif de ce courant de réflexion. Dès lors, il s’agit de faire le lien entre toutes les disciplines concernées, afin d’analyser les éventuels effets domino : dans cette vision, l’interconnexion mènerait à un effondrement globalisé, d’où l’intérêt des chercheurs pour les risques et les réseaux. Ainsi, la collapsologie se caractérise par une approche transdisciplinaire . Cet exercice systémique allie deux modes cognitifs, la raison et l’intuition, et s’appuie sur des travaux scientifiques (SERVIGNE, 2015). Toutefois, s’intéresser à la collapsologie ne revient pas à adhérer aux discours catastrophistes, tant écologiques qu’économiques, ou à tout autre discours post-apocalyptique ou survivaliste. Nous souhaitons mobiliser son approche afin de relier différentes thématiques, telles que : les inégalités sociales , la surconsommation de biens, l’épuisement des ressources, le développement de l’agro-industrie et son impact environnemental, celui de l’alimentation manufacturée (aliments trop gras, trop sucrés, à faible valeur nutritive) et de la pandémie d’obésité. Ces phénomènes contribuent parfois à la baisse de l’espérance de vie dans les sociétés industrielles ou post-industrielles. Ceci ne va pas sans paradoxe, notamment aux Etats-Unis : ce pays qui reste dans de nombreux domaines, la première puissance mondiale (agronomique, informatique, militaire…) est particulièrement touchée par le développement des maladies non transmissibles, comme l’obésité, le diabète et les maladies cardiovasculaires.