L’île de la Passion ou Clipperton est actuellement exempte d’installation humaine, de façon continue et régulière, mais qui abrite une importante colonie d’oiseaux, de crabes, de rats et d’espèces végétales. Cependant, l’île continue de subir des interactions anthropiques. Notre participation à la mission scientifique internationale, « Passion 2015 », menée en avril 2015, nous a permis de nous intéresser à la nature des restes anthropiques (vestiges et déchets) ; c’est-à-dire leur histoire, leur dispersion, leur dynamique, mais aussi leurs effets sur l’environnement. De façon globale, l’étude des restes sur cette petite île inhabitée nous renseigne sur l’ensemble des formes d’occupation, de gestion, d’échange, de transformation, de récupération des éléments matériels laissés et voués à « disparaître ». Elle constitue donc un laboratoire in situ et in vivo, à temps continu. Le travail de terrain a permis de géoréférencer 118 restes, puis d’en réaliser la cartographie. De plus, pour chacun de ces restes des photographies ont été prises, soit un total de 255 photos qui a pu être collecté. Ces données sont comparées avec celles relevées lors des missions précédentes. L’intérêt de cette recherche est également de réaliser un suivi de ces restes, au travers d’une approche dynamique en fonction de leur évolution, déplacement (apparition de restes enfouis, de nouveaux éléments…) afin de comprendre, interpréter, leur rôle, leur histoire en fonction de leur présence et origine, jusqu’à leur évolution, puis envisager aussi, pour certain, un mode de gestion en vue de leur traitement (notamment les stocks de munitions abandonnés par l’armée américaine lors de la Seconde Guerre mondiale). Cette recherche s’intéresse aussi aux déchets humains transportés par les courants marins (essentiellement de nature plastique) et qui s’échouent sur les côtes de l’île. D’importantes zones d’amas de déchets ont ainsi pu être référencées, comme sur la côte nord-est. Cette étude permet de s’intéresser à l’histoire, aux usages, aux activités sur et autour de l’île (exploitation du phosphate, pêche dans une réserve halieutique riche en thonidés), ou encore aux loisirs (pêche au gros organisée dans la ZEE, accompagnée de visite de l’île), aux appropriations humaines, jusqu’aux revendications territoriales. Indubitablement, le traitement de ces données a une valeur heuristique considérable pour les sciences humaines et sociales, telles que les disciplines sœurs comme l’histoire, l’archéologie, la géographie, la géopolitique, l’économie... La problématique des « restes » est envisagée non seulement comme un revers de la production, mais aussi comme un objet de recherche associant les dimensions historiques, géographiques, économiques, géopolitiques, paysagères, environnementales, écologiques et symboliques. Ainsi, cette étude est l’occasion de penser et mettre en débat les effets des crises économiques et environnementales actuelles.