Fréjus (Var), Butte Saint-Antoine. Rapport de fouilles 2015 - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Rapport (Rapport De Recherche) Année : 2016

Fréjus (Var), Butte Saint-Antoine. Rapport de fouilles 2015

Résumé

La campagne de fouille de 2015 constituait la huitième et dernière intervention (2008-2015), d’un programme de recherches qui avait pour objectif d’exploiter la documentation sur les fouilles ouvertes par P.-A.février, en 1955 puis de 1973 à 1976, devant un des blockhaus allemands, avant la réalisation du projet de plan de mise en valeur du site par les Monuments Historiques, en concertation avec la Ville de Fréjus à qui appartient désormais la parcelle. Localisée à l’extrémité méridionale du promontoire rocheux qui sert d’assise à la ville, la Butte Saint-Antoine domine actuellement de tous côtés les secteurs adjacents.Après création d’une esplanade artificielle à l’époque augustéenne, la Butte est entourée de sa propre muraille qui sert également de soutènement à la quantité considérable de remblais apportés pendant qu’est bâti un grand bâtiment, élevé d’un seul tenant (tous les murs sont liés), d’une largeur de 66,30 m pour une longueur supérieure à 109 m (surface supérieure à 7100 m²) ; il est désormais identifié à un prétoire, d’abord en tenant compte de sa position stratégique contre le port et face à lamer et par la disposition des espaces. Depuis 2008 donc, le plan du bâtiment construit sur l’esplanade (1,6 ha) est peu à peu complété : les alignements des façades septentrionale, occidentale et orientale sont découverts, de même que la façade orientale longée par une large galerie-façade. Les niveaux de sols se placent alentour 10 m NGF. En 2011, la clôture méridionale de la grande cour centrale (39) ainsi que l’angle de son portique sud-est font l’objet de levés topographiques de même qu’une croisée de murs à l’angle sud-est de la parcelle qui montre que le bâtiment se poursuit au sud, dans les deux parcelles privées.En 2012, les tranchées ont révélé l’existence de longues ailes latérales, à l’ouest (41-42) et à l’est (37-38-43), de surfaces chaulées situées à 1men contrebas des sols mis au jour à proximité.En 2013, l’image du plan, au sud de la parcelle, est considérablement renouvelée avec la mise au jour de segments et angles de murs alignés interprétés comme les stylobates d’une immense cour à portiques (surface supérieure à 1750 m²) dont le sol se situe à une côte inférieure par rapport aux sols des espaces voisins, soit à 9,05m/9,30mNGF.À l’extrémité de la parcelle, dans l’alignement du mur de façade oriental du bâtiment, sont découverts des sols en béton, pauvres en chaux, qui sont le prolongement des surfaces observées en 2010 dans l’emprise de la galerie-façade et en direction de la “tour-phare”. Plusieurs espaces divisent l’aile orientale de la cour (Esp.45, 90, 88) mais l’aile occidentale est surtout occupée par une pièce allongée (41). En 2014, une longue tranchée permet de nourrit les divisions de l’aile occidentale de la cour 39 tandis que d’autres permettent de constater, au sud-est de la parcelle, dans le secteur de la tour-phare que la longue façade orientale du bâtiment s’interrompt pour laisser un passage étroit puis reprend mais avec un décalage de 0,25mqui rompt ainsi l’alignement.Au nord-ouest du site, trois voûtes verticales sont mises au jour qui renforcent l’angle des deux courtines ouest et nord. Les 8 tranchées de la campagne de 2015 portent sur la partie sud (TR.38 à 42) et sur la partie nord de la parcelle publique (TR.43-45). Au sud, tout contre la clôture de la parcelle privée, ont été ouvertes deux tranchées (TR.38 et 39) qui retrouvent, au sud-ouest, un fragment du mur de façade de l’aile occidentale.Une autre tranchée (TR.40) retrouve, au sud-est, une portion du mur-stylobate oriental bordant la très grande cour 44. Aucun mur de retour vers l’ouest pour fermer l’Esp. 42 de l’aile occidentale n’a été mis au jour comme d’ailleurs aucun retour vers l’ouest pour lemur stylobate de la cour 44.Ces données portent à agrandir encore cette immense cour vers le sud (plus de 2170 m2 avec ses portiques) et à envisager que la longueur reconnue du bâtiment est désormais supérieure à 109,30m (auquel il faut ajouter, au moins, la largeur de 5,40 m pour le quatrième portique) pour une largeur de 66,70 m. Dans le secteur sud-est, un simple décapage (TR.41-42) a permis de compléter le canevas demurs qui confirme le décrochement de la longue façade orientale du bâtiment au niveau de la “tour-phare”.Comme cela a été constaté les années précédentes, les conflits de murs et les superpositions de sols en béton illustrent des phases de remaniements qu’il est difficile de comprendre sans une véritable fouille, qui n’était pas prévue dans ce secteur. Au nord, dans la TR.45, la découverte d’un tronçon de la courtine nord confirme qu’elle est bien rectiligne et parallèle à la façade du bâtiment mais la partie antique, en petit appareil, n’est conservée qu’à un niveau relativement bas (8,90 m NGF, le sol actuel, à environ 10 m, correspondant à peu de chose près aux sols antiques ...). Les maçonneries de la face nord de cette courtine, très dégradées, ne conservent plus aucune élévation du parement (seulement le bourrage interne) hormis trois moellons érodés, confirmant une largeur du mur-rideau de 0,96/0,98 m ; ce segment de courtine s’appuie sur un banc rocheux à la cote 7,45 m NGF. La longue tranchée (TR.44 et TR.44-Extension) pratiquée sur la moitié orientale du mur de façade nord du bâtiment a donc permis la découverte de deux murs de refends déterminant trois nouvelles pièces (50, 51 et 52). Dans l’emprise de l’Esp. 68 (c’est-à-dire sous l’éventuelle entrée dans le grand atrium 32), un tronçon d’égout collecteur qui, venant du sud-sud-est (probablement de la cour 25), se dirige vers le nord-nord-ouest, en direction du rempart a été mis au jour. Pour la fouille proprement dite, les sondages ouverts les années précédentes dans la partie sud de l’atrium monumental (330 m²) pourvu d’un impluvium (Esp. 32) ont été poursuivis vers l’ouest faisant la jonction avec le sondage 32SO.Un nouveau sondage (32SA) a été ouvert au nord de la tranchée-sondage 32C-S dont la fouille, initiée en 2014, a été achevée. Le sondage 31NO qui s’était arrêté sur les niveaux de l’état récent a été poursuivi tandis qu’un nouveau sondage, d’ampleur réduite, a été implanté dans l’angle nord-ouest du pièce 23.Deux autres sondages ponctuels ont été implantés, à l’est de l’atrium 32, dans les espaces 21 et 27 qui occupent le long couloir de circulation. Pour la période médiévale, deux comblements de silos ont été achevés de fouiller dans le sondage 32C-S (“u”) et en 32SE-EN (“s”). Un nouveau silo (“w”) a été mis en évidence au nord du sondage 32SS mais n’a livré aucun indice chronologique pour la date de son obturation. Pour la période de construction du prétoire d’époque augustéenne, la fouille a permis d’observer (en 32SA et 32SS) : - sous le hérisson de la mosaïque à crustae, dont deux nouveaux lambeaux du rudus, ont été découverts, la séquence des épais remblais de terre sablonneuse quelquefois mêlée de langues de terres brunes ou d’argile brun violacé, aux épidermes plus ou moins horizontaux, parfois damés et/ou piétinés, qui ennoient les fondations du bâtiment ; - un des murs de bordure de l’impluvium (en 32SA), qui consiste en une maçonnerie large de 0,50 m, peu fondée, comportant une surface couverte de béton hydraulique. On rappellera que la salle 32 a été identifiée à un atrium monumental (330 m²) avec un impluvium d’environ 27 m², probablement de type toscan compte tenu de la largeur de la pièce (14,86 m) qui implique un couvrement à grande hauteur ; cette attribution permet aussi d’expliquer la largeur des murs périmétraux ouest (I) et est (I2) : 0,74 m. Le sondage, ouvert dans l’esp. 23, a rencontré d’épaisses couches argileuses avec des blocs de pierre et des déchets de taille, en particulier de grès verts, en quantité importante, dans la continuité de ce qui avait été observé à l’est, en 2014, dans l’Esp. 31NO, avec également de nombreux clous de caligae témoignant de la présence de militaires lors de ces travaux. Tous ces remblais génèrent toujours une quantité importante de mobilier céramique confortant la datation proposée pour la fin de la constitution de l’esplanade – et la construction des superstructures du bâtiment –, dans les années 15-12 av. n.è. En ce qui concerne la première phase et l’agglomération oblitérée par la construction de la préfecture, depuis 2012-2013, on sait que les vestiges détruits et recouverts par la mise en place du terre-plein supportant le bâtiment de l’administration impériale correspondent à un petit noyau aggloméré, composé d’au moins quatre habitations, ou fragments d’habitations, et de trois rues, établi sur la pente de la butte rocheuse dominant la mer et les terrains environnants. On signalera la découverte d’un segment de mur, au nord-est du site, lors des reconnaissances à la mini-pelle mécanique, à hauteur de la façade nord du bâtiment augustéen, qui repousse de façon significative l’emprise de cette occupation tardo-républicaine. On a déterminé qu’au moins une phase de remaniements affecte une partie de cet habitat. Si l’état ancien semble bien pouvoir être attribué aux années -49/-45, de nouvelles constructions remodèlent l’urbanisme à une période qui voit se diffuser les gobelets de type Aco et les coupes de type Sarius, tous deux de chronologie discutée, autour des années -30. Les résultats de la campagne 2015 proviennent du secteur sud de l’atrium 32, où s’est déroulé l’essentiel de l’activité de fouille stratigraphique, et de deux autres sondages implantés au sud de cet atrium, dans des fenêtres relativement étroites imposées par des règles de sécurité compte tenu de la profondeur des vestiges recherchés. – Au sud, dans l’Esp. 23, il s’agissait de mettre en évidence le prolongement du mur de façade de l’habitation H1 déjà reconnu sur 15,50m; il se prolonge sur 2,65msupplémentaire.Ce mur offre une âme en terre (arase à 7,85menmoyenne) noyant quelques blocs de petite et moyenne dimensions pour son élévation, large de 0,55 m, alors que le même empattement taluté, déjà observé plus au nord, porte sa largeur de fondation à 0,84 m ; cette base, extérieure à la maison, est plaquée d’un enduit hydraulique. La paroi interne de la pièce qu’il ferme était couverte d’un enduit de chaux blanche lissée et le sol était en terre battue.Au sud, un mur fait retour vers l’ouest et on reste encore dans le doute : correspond-il au retour de la façade méridionale de la maison ou au refend d’une autre division de pièces ? – Dans le sondage 31NO (entamé en 2014, au sud de l’Esp. 32), sous un niveau de cailloutis, graviers et gravillons (cote 8,59mNGF) bordé à l’est par un fossé profond d’une trentaine de centimètres, un épais remblai de terre sablo-argileuse ennoie les restes d’un mur en pierres de moyennes dimensions, grossièrement équarries et liées à la terre (arase à 8,37/8,25 m NGF), de direction sud-sud-ouest/nord-nord-est, en décalage par rapport à la plupart des autres constructions de cette zone ; à la base de cet alignement, un niveau induré sub-horizontal (à la cote 7,90 m NGF) pourrait lui correspondre. – Dans la partie sud de l’atrium 32, la fouille consistait à établir la liaison entre les sondages réalisés en 2012-2014 afin d’établir un transect entre les vestiges des habitations H2 et H4 sur 15 m de longueur et 7 m de large (sondages 32SS et 32SA …). Sous les remblais, et pour l’état récent, a étémis au jour un espace ouvert. Bordé par un fossé de petite taille, le sol de la partie ouest (dans son dernier état) est couvert d’un cailloutis plus ou moins dense alors que celui de la partie orientale est aménagé de panses d’amphores écrasées à plat (l’ensemble se plaçant alentour les cotes 8,59/8,55 m NGF) ; pour l’un comme pour l’autre, plusieurs recharges ont été discernées. Au sud-est du sondage, la suite d’un petit égout (recouvert de dalles tout à l’est), en pente de l’est (9mNGF) vers l’ouest (8,71mNGF), accosté de sols en graviers, a été retrouvée. Àl’est du sol pavé de tessons, une vague trace sombre de direction nord-sud évoque un négatif demur dont ne subsisterait que la base de sa fondation. À l’est de ce négatif a été fouillée une succession de sols en terre battue dans la continuité de ceux observés en 2013-2014, en relation avec l’habitation H2/H5. Ces divers aménagements sont posés sur d’épaisses strates sableuses correspondant à la destruction et au remblaiement des installations relevant d’un état ancien dont les vestiges construits sont seulement représentés par des murs en pierres liées à la terre (Mu1 et My3), qui occupent une terrasse inférieure dans la partie occidentale du sondage et qui complètent les segments déjà partiellement dégagés en 2012, 2013 et 2014 de l’habitation H4 ; le mur nord-sud (My1) de celle-ci est une façade qui fait office de limite de terrasse (sol à 7,55 m NGF à l’ouest, à 8,30 m à l’est). Au sud, cette pièce de l’habitation H4 ouvre par un seuil sur un espace de circulation en contrehaut, montrant de multiples recharges (entre les cotes 7,90 m NGF et 7,76 m). Au nord, cette pièce est nettement accolée à une autre, située sous l’emprise de la mosaïque à crustae du prétoire : elle est représentée par les murs en pierres liées à la terre, Mx (au sud), My2 (à l’ouest) et My4 (à l’est), ce dernier étant presque intégralement détruit. Dans la partie orientale du sondage 32SS, sur une terrasse supérieure, plusieurs remblais et recharges de sols ont été mis en relation avec cet état ancien, le sol originel se situant aux alentours de 8,10/8,22 m NGF ; celui-ci est posé sur une épaisse couche de sable alternant avec des langues de terre argileuse brune et de cendres, riche en mobilier céramique, qui procure les éléments de datation, l’ensemble reposant sur le sable blond, stérile.Aucun vestige demur n’est associé à ce sol sur une vaste surface (environ 40 m²), même si des épandages de blocs ont été découverts dans les strates supérieures.On ne peut donc pas définir la fonction de cet espace : cour d’une maison (?), espace public (?), etc. Cependant, qu’il s’agisse de l’état récent ou de l’état ancien, le mobilier céramique issu de ces strates est relativement abondant. Pour l’état ancien, il comprend, entre autres, des campaniennes A tardives en quantité, quelques fragments de sigillée italique à vernis rouge mais aussi à vernis noir, des gobelets en céramique à paroi fine aux formes hautes et anciennes. Les monnaies des Volques Arécomiques (-60/-40) mais surtout la monnaie d’Antibes dans les terres de support de cet état ancien indiquent que cette création pourrait être intervenue aux alentours de -44 ou très peu après.
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-03512063 , version 1 (05-01-2022)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-03512063 , version 1

Citer

Lucien Rivet, Sylvie Saulnier. Fréjus (Var), Butte Saint-Antoine. Rapport de fouilles 2015. [Rapport de recherche] 2015-2647, Centre Camille Jullian (UMR 7299); Service régional de l'Archéologie PACA; Centre Archéologique du Var; Service du Patrimoine Ville de Fréjus. 2016, pp.349. ⟨halshs-03512063⟩
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