La banlieue de Paris du XIIe au XVIIIe siècle : critères de définition, extension et spatialités - HAL Accéder directement au contenu
Chapitre d'ouvrage Année : 2017

The suburbs of Paris from the 12th to the 18th century: criteria of definition, extension and spatialities

La banlieue de Paris du XIIe au XVIIIe siècle : critères de définition, extension et spatialités

Résumé

À Paris comme ailleurs, la banlieue constitue a priori un espace périphérique, dépendant de la ville-centre, délimité par un rayon d’une lieue et à l’intérieur duquel s’exerce le droit de ban seigneurial depuis le Moyen Âge central. Elle constitue ainsi un marqueur parmi d’autres des limites de la sphère du pouvoir parisien. Cependant, l’apparente simplicité de l’explication étymologique masque en réalité un foisonnement de sens et de représentations dont on peut observer l’évolution du XIIe siècle jusqu’au XVIIIe s. Les premières mentions textuelles de la banlieue de Paris (dans les diplômes de Louis VI) montrent que la banlieue est à ce moment-là considérée, non pas comme un espace, mais fondamentalement une coutume, un ensemble de droits, au même titre que le droit de voierie par exemple. À partir de la fin du XIIe s., un changement fondamental intervient dans la langue des actes royaux puisque la banlieue est bien désormais utilisée comme un espace, et non plus comme une coutume. Simplement, elle n’est pas alors une surface continue (ce n’est pas une circonscription du type des départements), mais un ensemble de points. En effet, aux XIVe-XVe s., la banlieue est d’abord définie comme un espace fonctionnel, celui ou exercent les sergents à pieds du Châtelet complété par une liste de localités, dont on trouve l’énumération la plus complète dans un des manuscrits du XVe s. du Grand Coutumier de France, manuel de droit coutumier achevé en 1388 par le juriste Jacques d’Ableiges : La Chapelle, « partye de » La Villette, Pantin, Bagneux, Chaillot, Clichy, Gentilly, Montrouge, Arcueil, Ivry, Issy, Clamart, Vanves, Le Bourg la Reine « jusques au ponceau », Conflans, Carrières, Le Pont de Charenton, Courcelles, Chaillot, Cachan, Charonne, Bagnolet, La ville l’Evêque, Le Pré Saint-Gervais ; Montreuil « deça le ru », Montmartre, Villiers, La Garenne, Auteuil, Aubervilliers et Saint Denis en France « jusques au Greil ». Cartographier ces localités grâce à un système d’information géographique permet d’observer l’extension géographique de la banlieue, qui dépasse le terroir agricole parisien, et qui s’étend dans un rayon à vol d’oiseau de 3 à 10 km maximum. Cette cartographie suggère que la définition spatiale de la banlieue était alors d’ordre temporel : sans être isotrope (comme ce sera le cas plus tard des départements), elle correspond à l’espace accessible à pied en une journée par les sergents à verge du Châtelet. Il faut attendre le milieu du XVIIe s. pour disposer des premières cartographies explicites de la limite de la banlieue, avec les cartes de Jean Boisseau (1650), Nicolas de Fer (1700 et 1717), Roussel et Lerouge (1730), et John Rocque (1754). L’extension géographique de la banlieue sur ces différentes représentations, qui figurent toutes la limite de la banlieue sous la forme d’une ligne sur la carte, est peu ou prou identique d’une carte à l’autre. Cette définition cartographique par la limite, qui témoigne d’une nouvelle spatialité territoriale de la banlieue, est cependant très proche, dans son contenu, de la liste des localités citées dans le Grand Coutumier de France. Une nouvelle carte de la banlieue publiée par Claude Michel dans l’Indicateur fidèle des voyageurs en 1764 inaugure un nouveau régime cartographique de la banlieue, désormais représentée comme une étendue homogène : elle apparaît comme un bloc isolé dont la propre cohérence interne prime sur le lien avec le contexte géographique. Enfin, un dernier plan de 1786 propose un nouveau tracé de la banlieue, caractérisée par une nouvelle extension vers l’est et une alternance entre des limites épousant le relief et d’autres très géométriques Ainsi, l’univocité apparente du même vocable « banlieue » masque en réalité une série de déplacements sémantiques et spatiaux, témoignant à sa manière de l’évolution du rapport à l’espace des sociétés du Moyen Âge central à la fin du XVIIIe s.
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  • HAL Id : halshs-03594771 , version 1

Citer

Hélène Noizet, Caroline Bourlet. La banlieue de Paris du XIIe au XVIIIe siècle : critères de définition, extension et spatialités. Anne Conchon, Hélène Noizet, Michel Ollion. Les limites de Paris XIIe-XVIIIe siècle, Presses du Septentrion, p. 23-55, 2017, 978-2-7574-1495-8. ⟨halshs-03594771⟩

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Dernière date de mise à jour le 28/04/2024
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