Parlons donc du réinvestissement multifonctionnel et symbolique du patrimoine bâti des entreprises publiques. Ici, ce qui m'intéresse n'est pas d'enrichir le domaine déjà effervescent de la production géographique sur les tiers lieux, sur l'innovation localisée ou sur l'urbanisme transitoire. Je m'intéresserai plutôt à la question de la vacance et du réemploi de ces lieux publics, et à l'ouverture idéologique opérée par la progression de l'acceptation de l'idée de sur/sous-dimensionnement dans la constitution d'une question propre aux territoires à l'écart des grandes villes. Je défendrai l'hypothèse selon laquelle cette enquête illustre une situation "viscontienne" selon laquelle tout change (ou plutôt tout se déplace, tout glisse, tout dérive silencieusement en matière de sens et de portée des concepts aménagistes) parce que et puisque, apparemment, rien ne change. Je m'explique d'abord sur mon parti pris théorique (partie 1) avant de développer une perspective historique, en situant la préfiguration et l'émergence d'un cadre de relations entre acteurs locaux et entreprises publiques à travers la mutation du groupe la Poste (partie 2). Dans une troisième partie, je présente un programme en cours chez SNCF qui souligne les transitions conjointes du modèle juridique, économique, patrimonial et territorial de cette entreprise publique. J'explique enfin les causes du transfert massif de l'infrastructure ferroviaire du statut de bien domanial, propriété de la Nation, en un statut nettement plus flou de "bien local". Je conclus à deux niveaux : d'une part sur les limites et contradictions de cette démarche, d'autre part sur l'apport heuristique de ce cas.