Depuis 2005, la Mission Archéologique d'Aghmat (Maroc) vise à étudier, protéger et mettre en valeur ce vaste site archéologique dont l’état de conservation est exceptionnel. A ce jour, le programme s'est concentré sur la fouille extensive (environ 3 000 m²) de la zone monumentale de la ville, où se trouvent la Grande Mosquée et sa fontaine à ablutions, les bains publics (hammam), une résidence d'élite et un quartier résidentiel cossu composé de maisons à jardin intérieur (riads). Si les premières phases d'occupation (au moins dès le Xe siècle) sont encore peu documentées, la principale phase de développement de ce quartier semble remonter aux XIe-XIIe siècles, ce qui coïncide avec l'époque où la ville devient la capitale éphémère (vers 1056-1070) de l'empire almoravide. Le site a connu ensuite un fort dynamisme urbain, durant lequel les bâtiments ont été constamment restaurés, voire reconstruits (Fili, Messier 2015), jusqu'à ce que la ville soit assez brutalement abandonnée par ses élites (milieu du XIVe siècle) et réoccupée par des populations qui ont progressivement ruralisé ses activités et son équilibre économique (XVe-XVIe s.) dans un paysage architectural qui se dégradait inexorablement (Héritier-Salama et al. 2016). Le quartier monumental de la ville, finalement abandonné, aurait alors progressivement disparu dans un paysage évoluant vers un espace entièrement dédié à l'agriculture, ce qu'il est resté jusqu'à aujourd'hui.Depuis 2016, la MAA développe un axe de recherche dédié aux paléoenvironnements et systèmes agraires anciens, questionnant le rôle joué par les différentes dynamiques socio-économiques sur la gestion ressources et des paysages. Basée sur l’étude d’une trentaine d'échantillons archéobotaniques extraits de contextes variés (foyers, dépotoirs, fosses de plantation), datés entre le XIe et le XVIIe s., ce travail a permis de proposer un premier bilan sur les plantes cultivées/cueillies (Ros et al. 2021). L’obtention en 2020 d’un Projet Exploratoire Premier Soutien (PEPS INEE-NOURANAT) a permis de renforcer cette approche et d’implémenter des études isotopiques (Carbone, Azote) sur 4 taxons (Hordeum vulgare, Triticum aestivum/durum, Olea europaea, Vitis vinifera), afin d’éclairer l’existence de certaines pratiques (irrigation, fumure) et leur évolution dans la durée.