Le rôle de Tlemcen comme pôle clé de l’art de l’Islam d’Occident a été affirmé dès l’époque coloniale. Nos recherches récentes permettent de préciser ce rôle en quelques points que j’évoquerai à partir de trois époques : l’âge almoravide, l’époque encore mal connue d’une présence almohade et l’explosion créatrice du bas Moyen Âge ʿabd al-wādid ou mérinide. Ces trois moments marquent un renouveau des aires culturelles réunissant al-Andalus, le Maghreb extrême et le Maghreb central avec une circulation, sous ces dynasties, des formes, des matériaux et des ateliers. Avec Manṣūra, les Mérinides ont développé une base avancée destinée à affirmer, au bas Moyen Âge, un califat d’Occident. Leurs commandes ont, en fait, favorisé l’action d’ateliers tlemcéniens dont on retrouve témoignage dans deux œuvres majeures de la dynastie : Chella et la mosquée-madrasa Bū ʿInāniya. Divers exemples offrent des réponses à la question du rôle de Tlemcen dans l’évolution de l’architecture de l’Islam d’Occident. Je retreindrai le plan en T détriplé de la grande mosquée de Tagrart, le traitement de sa coupole de souche omeyyade et la structure comme le décor de son miḥrāb ; le rôle des Almohades mis en évidence à propos des différentes étapes de cette mosquée ; l’évolution du minaret tlemcénien au bas Moyen Âge qu’il s’agisse de commandes ʿabd al-wādides ou mérinides ; et enfin, le cas de la mosquée militaire de Manṣūra entre influences andalouses et apports de la tradition almohade. L’analyse des matériaux – pierre, béton, brique, bois ou zellij –, de leur mise en œuvre et de leur place dans le projet architectural sera bien évidemment prise en compte pour ce qu’elles nous apprennent des modes de transmission et des évolutions dans les utilisations de ces éléments. De même l’étude fine de éléments architecturaux comme les arcs, les coupoles ou encore les charpentes nous renseignent sur les solutions élaborées par les maîtres d’œuvre médiévaux, leurs inspirations et la postérité éventuelles de ces réalisations. Ces différentes recherches à la fois techniques et architecturales illustrent de l’importance du choix des matériaux dans la réalisation des monuments et comment les maîtres d’œuvre des diverses dynasties surent, à chaque fois, puiser dans différentes traditions pour élaborer des architectures originales témoins d’indéniables échanges inter-méditerranéens développés de l’intervention almoravide à la fin du XIe siècle aux réalisations très nouvelles du bas Moyen Âge.