Les évolutions du cadre juridiques du travail des aidants familiaux en France conduisent à interroger trois dispositifs particuliers, très récemment élaboré, afin de cerner les frontières juridiques de cette activité entre travail et famille, et surtout d’analyser les transformations du droit du travail qu’elles portent en elle : la création du droit au repos du proche aidant en 2015, la reconnaissance d’un statut juridique de celui-ci en 2019 et, dans l’intermédiaire, l’instauration du dispositif appelé « relayage » en 2018. Ce dernier, destiné à répondre aux besoins des aidants souhaitant bénéficier de repos, se caractérise par un double objectif consistant, d’une part, à permettre à l’aidant de bénéficier d’un répit de plusieurs jours consécutifs et d’autre part, placer un intervenant de manière continue au domicile de la personne aidée, ce que l’état de la législation relative au temps de travail, ne permet pas. Aussi, à titre expérimental, initialement pour 3 ans (échéance repoussée fin 2023 du fait de la pandémie), la réforme doit permettre, à des établissements et services médico-sociaux d’envoyer des salariés au domicile des personnes aidantes afin de permettre à des proches aidants de prendre du repos : le salarié n’est alors pas soumis aux dispositions législatives et stipulations conventionnelles relatives aux régimes d’équivalence, durées maximales de travail et temps de pause, durées quotidiennes et hebdomadaires maximales de travail de nuit et repos quotidien. Si des axes de ces réformes apportent donc une sécurisation des aidants, d’autres s’appuient sur une flexibilisation des règles du droit du travail pour les personnes chargées de les suppléer. Si ces réformes reconnaissent juridiquement le proche aidant, elles n’ont pas créé un réel statut juridique et social du proche aidant. Il s’agit seulement de embryons de droits sociaux qui soulèvent la nature juridique de cette activité (indemnisation vs salaire…) et dont les grands oubliés sont notamment les travailleurs indépendants aidants. Pour les relayeurs, est permise une explosion de certaines frontières du travail et des garanties collectives au nom de la « justesse » de la cause du travail. L’analyse des expérimentations qui devaient s’achever en 2021 devait permettre de constater comment sont équilibrés les impératifs du répit des aidants avec le respect du droit commun de l’activité professionnelle, en particulier en matière de temps de travail. Jusqu’où la « justesse de la cause » peut-elle aller dans la mise en jeu du droit du travail ? Ne pourrait-on pas également réfléchir à l’inscription du statut des aidants dans un état professionnel des personnes développé en 1999 par le rapport Supiot (Supiot. Dir., Au-delà de l’emploi, 1999) et sa définition de cercles concentriques des droits sociaux.